Devoir de Philosophie

Les passions (cours de philo -TL)

Publié le 20/03/2015

Extrait du document

La jalousie d'Othello nous fait frémir de pitié et d'horreur, celle d'Arnolphe nous secoue de rires sarcastiques.

 

Telle est l'équivocité des passions, oscillant entre le sublime et le grotesque, élevées jusqu'à l'un, abaissées jusqu'à l'autre, au gré du génie, tragique ou comique, du dramaturge.

 

Cette ambiguïté a donné lieu à de longues querelles philosophiques.

 

Pour la tradition classique, en effet, l'état de passion comprend tous les phénomènes passifs de l'âme, tout ce qui, en elle, n'est pas l'effet d'une activité volontaire.

 

L'étymologie lui donne d'ailleurs raison : «passion« dérive du latin patior, pati qui signifie «subir«, «supporter«.

 

L'homme passionné est alors considéré comme une victime qu'il faut, dans le meilleur des cas, plaindre ou excuser2.

 

L'école romantique, cependant, récuse ces appréciations et ne veut retenir des passions que l'extraordinaire énergie qu'elles insufflent à ceux qu'elles animent.

 

« Ces divergences brutales doivent nous mettre en garde : nulle part plus qu'ici, où persiflages et dithyrambes vont bon train, il n'importe de se rappeler l'adage spinoziste : «ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas louer, ne pas blâmer, mais comprendre4.

 

L'homme passionné, en proie à un désir exclusif, est incapable de prendre en compte la totalité de ses désirs.

 

L'amoureux ne pense qu'à sa belle, l'avare à son argent, l'ambitieux à sa gloire.

 

Tous sacrifient sur l'autel d'un désir tout-puissant leurs autres aspirations : l'amoureux oublie ses ambitions, l'avare son amour...

 

1. Les Passions de l'âme, art.

 

3. La Raison dans l'histoire, Éd.

 

De sorte qu'en apparence, rien ne ressemble davantage à la résolution et à la fermeté d'une âme forte que l'exclusivisme d'une passion.

 

Dans les deux cas, en effet, toute l'attention d'un être se focalise sur un but unique, auquel il consacre toutes ses pensées.

 

La similitude n'est pourtant qu'extérieure : celui qui la vit sait confusément que sa passion est pénétrée de regret et de remords.

 

L'alcoolique qui sacrifie sa santé et le bonheur de ses proches à son désir immodéré de boisson s'enivre sans joie.

 

Aussi, si la réalisation de ses projets constitue pour l'homme d'action une réussite, l'assouvissement de sa passion n'exclut pas, dans la conscience de l'être qu'elle asservit, un sentiment d'échec.

 

Et l'exemple de Phèdre qui prend «sa flamme en horreur2« nous montre que la passion peut même devenir, aux yeux de sa victime, un objet de dégoût.

 

Figure de notre impuissance, la passion est aussi, et doublement, un symptôme d'ignorance.

 

D'une part, en effet, le passionné se méconnaît lui-même, fait preuve de partialité à son égard en ce qu'il immole, en hommage à sa passion, des désirs qui pour être moins intenses qu'elle, n'en sont pas moins profonds.

 

Et il se trompe encore lorsqu'il pare l'objet de sa passion de qualités qu'il ne possède pas pour le soustraire à sa critique et, plus encore, à celle d'autrui.

 

La critique se tait : tout ce que l'objet fait et exige est irréprochable.

 

La voix de la conscience cesse d'intervenir [...] : l'objet a pris la place de ce qui était l'idéal du moi3.

 

« Ainsi s'expliquent la tendance à l'humiliation, l'effacement devant la personne aimée qui se font jour dans tout état amoureux et les ricanements de Schopenhauer, qui évoque avec ironie «ces mariages d'amour entre individus tout à fait hétérogènes sous le rapport de l'intelligence : par exemple, lui grossier, robuste et borné ; elle d'une grande délicatesse de sentiment, d'un esprit fin, cultivé, ami du beau, etc. ; ou bien même lui, homme de génie, savant, et elle, une oie4.

 

L'Isolement, vers 28, in : Méditations poétiques de Lamartine, 1820.

 

Chacune apprécie chez l'autre la beauté, l'intelligence et la gentillesse ---qualités qui, il faut l'espérer, sont partagées par beaucoup d'autres personnes!

 

Aussi leur histoire d'amour est-elle due à un heureux hasard et non, comme elles aiment à s'en persuader, au fait qu'elles étaient «destinées l'une à l'autre«.

 

Dans l'affirmation «le ciel est jaune«, le sujet du jugement --- ciel --- et son prédicat jaune --- sont incorrectement combinés : cette affirmation ne correspond à aucune réalité.

 

Un homme en proie à cette passion peut affirmer que le moyen le plus sûr de parvenir à la gloire est une carrière politique, pour laquelle il se croit doué.

 

Or, il n'a aucun talent d'orateur, manque de diplomatie et a horreur des mondanités.

 

Est-ce à dire que son ambition aura été détruite?

 

Traité de la nature humaine, Aubier, 1983, p. 524.

 

On ne peut, en effet, nier le devenir temporel qu'en substituant à la claire conscience de son irréversibilité, le rêve d'un temps où passé et présent coïncident, la confusion du devenir et du revenir, le refus de l'avenir, seule dimension du temps sur laquelle nous pouvons agir.

 

L'homme en proie à l'ambition ou à la cupidité est prêt à tous les sacrifices et doit, le plus souvent, développer ses dispositions et ses aptitudes naturelles pour parvenir à son but.

 

« Les passions 31 Leur obsession les rend indifférents au reste du monde: «Un seul être vous manque et tout est dépeuplél.

» De sorte qu'en apparence, rien ne ressemble davantage à la résolution et à la fermeté d'une âme forte que l'exclusivisme d'une passion.

Dans les deux cas, en effet, toute l'attention d'un être se focalise sur un but unique, auquel il consacre toutes ses pensées.

La similitude n'est pourtant qu'extérieure : celui qui la vit sait confusément que sa passion est pénétrée de regret et de remords.

L'alcoolique qui sacrifie sa santé et le bonheur de ses proches à son désir immodéré de boisson s'enivre sans joie.

Il se sent dépendant, impuissant.

Aussi, si la réalisation de ses projets constitue pour l'homme d'action une réussite, l'assouvissement de sa passion n'exclut pas, dans la conscience de l'être qu'elle asservit, un sentiment d'échec.

Et l'exemple de Phèdre qui prend « sa flamme en horreur2 » nous montre que la passion peut même devenir, aux yeux de sa victime, un objet de dégoût.

Figure de notre impuissance, la passion est aussi, et doublement, un symptôme d'ignorance.

D'une part, en effet, le passionné se méconnaît lui­ même, fait preuve de païtialité à son égard en ce qu'il immole, en hommage à sa passion, des désirs qui pour être moins intenses qu'elle, n'en sont pas moins profonds.

Et il se trompe encore lorsqu'il pare l'objet de sa passion de qualités qu'il ne possède pas pour le soustraire à sa critique et, plus encore, à celle d'autrui.

L'amour fournit ici le meilleur exemple d'idéalisation illusoire : «on aime, écrit Freud, l'objet [de son amour] pour les perfections qu'on souhaite à son propre moi [ ...

].

La critique se tait: tout ce que l'objet fait et exige est irréprochable.

La voix de la conscience cesse d'intervenir [ ...

] : l'objet a pris la place de ce qui était l'idéal du moi'.» Ainsi s'expliquent la tendance à l'humiliation, l'effacement devant la personne aimée qui se font jour dans tout état amoureux et les ricanements de Schopenhauer, qui évoque avec ironie « ces mariages d'amour entre individus tout à fait hétérogènes sous le rapport de l'intelligence : par exemple, lui grossier, robuste et borné ; elle d'une grande délicatesse de sentiment, d'un esprit fin, cultivé, ami du beau, etc.

; ou bien même lui, homme de génie, savant, et elle, une oie 4 • » C'est donc vraisemblablement en vain que Sartre rêve à « un traité des passions qui s'inspirerait de cette vérité si simple et si profondément I.

L'isolement, vers 28, in : Méditations poétiques de Lamartine, 1820.

2.

Phèdre, 1677, acte 1, se.

3, vers 66.

3.

Essais de psychanalyse, pp.

136-137.

4.

Le Monde comme volonté et comme représentation, p.

1301.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles