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« Nous n'avons pas besoin de connaître l'auteur pour comprendre et aimer son oeuvre. On peut légitimement se passer de tout recours à ce que l'on sait de l'auteur en dehors de l'oeuvre pour examiner celle-ci. » Françoise Van Rossum-Guyon, Critique du Roman. En prenant appui sur des oeuvres ou des textes que vous connaissez bien, vous direz si vous approuvez ces remarques. ?

Publié le 20/03/2009

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Toute réflexion sur la littérature s'efforce de prendre en compte deux réalités : le texte écrit, et celui qui est à son origine, l'écrivain.  Pourtant, dans sa critique du roman, F. van Rossum-Guyon écrit : « Nous n'avons pas besoin de connaître l'auteur pour comprendre et aimer son œuvre. On peut légitimement se passer de tout recours à ce que l'on sait de l'auteur en dehors de l'œuvre pour examiner celle-ci. «  Cette réflexion n'établit-elle pas une synonymie abusive entre « comprendre-aimer « d'une part et « examiner « de l'autre ? S'agit-il du même projet ? Dans quelles perspectives peut-on envisager de ne point recourir à « ce que l'on sait de l'auteur « ?

« • Exemple : je peux découper la biographie de Rousseau en des termes qui l'inscrivent dans l'espace : « LesCharmettes », « L'Ermitage », « Montmorency ».La vie intérieure : recours à la psychologie et à la psychanalyse explorant la pensée consciente et inconsciente.Exemple : le Baudelaire de Sartre ou « son Flaubert », « Le mélange explosif de scientisme naïf et de religion sansDieu que constitue Flaubert et qu'il tente de surmonter par l'amour de l'art formel, nous pourrons l'expliquer si nouscomprenons bien que tout s'est passé dans l'enfance (...) seule aujourd'hui la psychanalyse permet d'étudier à fond,la démarche par laquelle un enfant, dans le noir, à tâtons, va tenter de jouer, sans le comprendre, le personnagesocial que les adultes lui imposent, c'est elle seule qui nous montrera s'il étouffe dans son rôle, s'il cherche à s'enévader ou s'y assimile entièrement » (Critique de la Raison dialectique, Questions de méthode, 1960).• L'être social : étude du milieu intellectuel social et économique dans lequel il a baigné (c'est la lecture socio-critique).Exemple : le marxiste hongrois, Georges Lukàcs (1885-1971) consacre à Balzac une étude liée « aux contradictionsde la vie capitaliste ».• Son influence sur la société, sa relation avec le public, la réception de son œuvre.Exemple : l'influence des philosophes du xviiie, le succès de Hugo, le procès des Fleurs du mal... III.

Les mérites d'une perspective rigoureuse. à) Bien que ces dernières façons d'aborder un texte (structure culturelle, rapport avec l'écrivain) soient richesd'enseignements, il ne faut pas mépriser le souci de rigueur qui anime F.

van Rossum-Guyon.

Mettre l'accent surl'étude du texte, c'est se méfier à juste titre d'un certain nombre d'abus.• Les abus de la critique impressionniste.Rapide, superficielle, la critique d'humeur n'est souvent que la manifestation d'un goût personnel, d'une influenceesthétique ou idéologique.

Nisard (en 1861) s'insurge contre cette critique de jugement : « Elle s'est fait un idéal del'esprit humain dans les livres, elle s'en est fait un du génie particulier de la France, un autre de sa langue ; elle metchaque auteur et chaque livre en regard de ce triple idéal.

Elle note ce qui s'en approche : voilà le bon ; ce qui s'enéloigne : voilà le mauvais.

» Ainsi, Paul Bourget (1852-1935) n'hésite pas lorsqu'il devient critique militant, à modifier des diagnostics antérieurs :Flaubert, qualifié de « haut moraliste » en 1883, n'a plus droit qu'au titre de « grand psychologue » par la suite.Les Goncourt reconnaissent en 1866 dans leur Journal la subjectivité du sentiment esthétique : « La séduction d'uneœuvre d'art est presque toujours en nous-même et comme dans l'humeur du moment, de notre œil.

Et qui sait si nosimpressions des choses extérieures ne viennent pas non plus des choses, mais de nous.

»Anatole France : la critique consiste pour lui à dire le plaisir que lui procurent « les images » offertes par les œuvreslittéraires et les libres réflexions qu'elles lui inspirent : « Nous ne posséderons jamais (...) pour étudier les œuvresd'art que le sentiment et la raison, c'est-à-dire les instruments les moins précis qui soient au monde.

Ainsin'obtiendrons-nous de résultats certains et notre critique ne s'élèvera-t-elle jamais à la rigoureuse majesté de lascience.

Elle flottera toujours dans l'incertitude.

Ses lois ne seront point fixes, ses jugements ne seront pointirrévocables.

»Paul Léautaud (1872-1956) admire ou déteste passionnément et se dispense de toute autre justification que celle-ci: « C'est mon goût et je m'y tiens.

» Citons encore : « Je me passe fort bien de Corneille et de Racine, surtout del'odieux Corneille...

» Léautaud ne s'intéresse jamais qu'à lui-même et ne choisit que les auteurs où trouver sesqualités et ses défauts.• Les excès de l'intérêt porté à la biographie.En 1895, dans la préface d'Hommes et livres, Lanson (1857-1934) montre les limites de la critique de Sainte-Beuve(1804-1869) qui recherche l'homme par et derrière le texte plus que les techniques et les secrets d'une écriture : «Au lieu d'employer les biographies à expliquer les œuvres, il a employé les œuvres à constituer des biographies.

»• Les excès de l'intérêt porté à l'histoire littéraire.

Lanson encore dans son Histoire de la littérature française(1894) : « On a faussé ces derniers temps, l'enseignement et l'étude de la littérature.

On l'a prise pour matière deprogramme, qu'il faut avoir parcourue, effleurée, dévorée tant bien que mal, le plus vite possible, pour ne pas êtrecollé (...) Pourtant c'est aux œuvres mêmes directement et immédiatement qu'il faudrait se reporter, plutôt qu'auxrésumés et aux manuels.

On ne comprendrait pas que l'histoire de l'art dispensât de regarder les tableaux et lesstatues.

»• Les excès de l'analyse érudite.Chargée d'informations de tous ordres, tournée exclusivement vers les écrivains du passé, exhumant tous lesfacteurs dont leur œuvre a dû tenir compte, elle oublie l'œuvre elle-même.

Un critique de Chateaubriand nerenvoyait-il pas à un traité de géologie utile pour connaître le sol de l'Armorique ! Gustave Planche (1807-1857),dans un portrait caricatural donne la parole à un modèle de critique érudit : « Ce que je pense de ce livre? L'auteurne sait pas le premier mot de l'époque où il a placé ses acteurs; il n'a rien lu.

C'est un pauvre homme.

»b) Il était sans doute important de se débarrasser de ce fatras de gloses mais il paraît tout aussi essentiel deprofiter — avec rigueur, certes — de toutes les ressources offertes par les modernes sciences du langage d'unepart, mais aussi de l'homme et de la société.L'examen des textes, leur compréhension devrait s'en trouver facilitée.En effet, nul besoin de « grâce » spéciale pour appréhender le génie, nul besoin de vibrer à l'unisson avec lui.

La «sensibilité littéraire » n'est pas d'ordre magique mais peut se forger par le biais d'un travail, d'une recherche, d'uneculture.

L'esprit, la finesse, le jugement ne sont pas seulement affaire d'intuition mais de formation. Conclusion.. »

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