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Peut-on à la fois obéir et être libre ?

Publié le 10/04/2004

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La liberté individuelle et la liberté collective peuvent toutefois s'opposer. Mais la liberté ne peut faire l'économie d'une forme ou d'une autre de nécessité. La question reste de savoir si on est libre ou si on le devient. Spinoza: [...] On estime esclave celui qui agit par commandement et libre celui qui gère sa vie à sa guise ; ce qui cependant n'est pas absolument vrai. Car en vérité, celui que son désir entraîne ainsi et qui est incapable de voir ce qui lui est utile et de le faire, est au plus haut point un esclave ; seul est libre celui qui vit de tout coeur uniquement sous la conduite de la raison. Une action faite par commandement, c'est-à-dire l'obéissance, supprime bien la liberté d'une certaine façon, mais elle ne rend pas sur-le-champ esclave : c'est le principe de l'action qui rend tel. Si la fin de l'action n'est pas l'utilité de celui-là même qui agit mais de celui qui commande, alors l'agent est esclave et inutile à soi-même.Mais dans une république et un État où le salut du peuple tout entier, et non pas celui du chef, est la loi suprême, celui qui obéit en tout au pouvoir souverain ne doit pas être appelé un esclave inutile à soi-même, mais un sujet. Donc est la plus libre la république dont les lois sont fondées sur la saine raison car là, chacun peut être libre quand il veut, c'est-à-dire vivre de tout coeur sous la conduite de la raison.

« On mènera toujours les peuples avec ces deux mot, ordre et liberté : mais l'ordre vise au despotisme, et la liberté à l'anarchie. Fatigués du despotisme, les hommes crient à la liberté ; froissés par l'anarchie, ils crient à l'ordre. L'espèce humaine est comme l'océan, sujette au flux et au reflux : elle se balance entre deux rivages qu'elle chercher et fuit tour à tour, en les couvrant dans cesse de ses débris. «  Obéir et être libre. Probablement les deux verbes que l'histoire humaine a révélé les plus complexes à concilier. Complexes par les symboles dont l'Homme a su les investir, mais aussi par leur polysémie. Qu'est-ce qu'être libre ? Qu'est-ce qu'obéir ? La liberté est-elle absence de contraintes ? Liberté et contraintes sont-elles incompatibles ? L'Homme est-il moins libre en obéissant aux lois qu'en obéissant à lui seul ? Et finalement, peut-on à la fois obéir et être libre ?

« rend l'Homme vraiment maître de lui ; car l'impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi qu'on s'estprescrite est liberté.

» (Rousseau, Le contrait social).

On remarque que dans cette conception philosophique de laliberté, les limites ne sont pas des limites contraignant la liberté de la volonté humaine ; ces limites définissent enréalité un domaine d'action où la liberté peut exister, ce qui est tout autre chose.

Liberté et contrainte ne sontdonc pas incompatibles.

La volonté morale pose la loi (pour tous) à laquelle elle se soumet : la volonté se prend elle-même pour objet, elle veut sa réalisation, elle a pour fin elle-même.

L'ordre devient ainsi une des conditions de lalibération : « La liberté est le droit de faire tout ce les lois permettent.

» Montesquieu, Esprit des Lois XI, III. Mais l'homme est-il plus libre en obéissant aux lois de la cité qu'en obéissant à lui seul ? Pour quelle raison peut-ondire que la liberté civile, l'autonomie comme obéissance à la loi qu'on est prescrite présente un degré de libertésupérieur à la liberté naturelle ? Si « L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté » (Rousseau) alors c'estn'obéir qu'à la contrainte qu'on exerce sur soi et non à la contrainte extérieure qui est souvent aliénation.

Maisn'obéir qu'à la loi qu'on s'est prescrite comme liberté, n'est-ce pas être autonome ? Être autonome, c'est être fidèleà des valeurs qu'on a choisies : la promesse, et la déclaration d'amour ne sont-elles pas expression d'un "oui" quiexprime une décision, un engagement, une liberté ? Si la liberté en tant qu'autonomie c'est obéir à la loi qu'on s'estprescrite, alors l'autonomie est ce qui exclut cette liberté naturelle de faire tout ce qu'on veut si on le peut.

C'estréprimer la liberté naturelle, échapper à l'ivresse de la liberté, en sacrifiant à la liberté civile comme autonomie.La loi, comme ordre imposé ou ordre exigé n'est qu'une condition de la liberté : la sécurité du lendemain ou lasécurité dans la rue, n'est pas la liberté.

La loi comme être de raison est une fiction, un modèle inadéquat à laréalité d'un moi créateur capable d'inventer des formes de vie: création de soi par soi.Ainsi, être libre, n'est-ce pas créer le texte de sa vie non pas contre la loi mais au delà de la loi ? Si la liberté c'estle rapport entre l'action et le moi, l'homme est d'autant plus libre qu'il obéit à lui seul comme moi créateur de soi parsoi : « On appelle liberté le rapport du moi concret à l'acte qu'il accomplit.

»Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience. La liberté est la capacité d'un moi d'inventer le mode de vie qui lui convient en s'inventant lui-même dans unecréation de soi par soi.

L'ordre doit simplement assurer la sécurité comme possibilité laissée à chacun, s'il le veut ets'il s'en est rendu capable, d'inventer et de réaliser le mode de vie qui l'exprime le mieux dans sa durée créatrice : « Si l'on convient d'appeler libre tout acte qui émane du Moi, et du Moi seulement, l'acte qui porte la marque denotre personne est véritablement libre.

»Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience. Mais cette liberté n'est pas le rejet de la règle car elle exige l'éducation comme exercice de maîtrise de soi etcomme exercice de l'attention qui seule permet d'accéder à l'information sans laquelle la création n'aurait pas decontenu : si la volonté a le pouvoir de dire oui ou non, ce pouvoir pour être efficace doit être éclairé par laconnaissance. Ainsi écrit Rousseau : « Il n'y point de liberté sans Lois [...] Dans l'état même de nature l'homme n'est libre qu'à lafaveur de la Loi naturelle qui commande à tous.

Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pasdes maîtres ; il obéit aux Lois mais il n'obéit qu'aux Lois et c'est par la force des Lois qu'il n'obéit pas aux hommes.[...] Vous avez des Lois bonnes et sages, soit en elles-mêmes, soit par cela seul que ce sont des Lois [...] La piredes Lois vaut encore mieux que le meilleur maître; car tout maître a des préférences, et la Loi n'en a jamais.

»(Pléiade, tome.3 page 842, Lettres écrites de la Montagne).

L'histoire nous montre qu'il n'y a pas de liberté véritablesans lois pour le bien commun : « La loi, en général, est la raison humaine, en tant qu'elle gouverne tous les peuplesde la terre.

» (Montesquieu, Esprit des lois, I.

III).

Mais Brunschvicg répond « Le bon citoyen obéit à la loi ; meilleurest celui qui améliore la loi.

» (Progrès de la conscience).

N'obéir qu'à la loi serait en effet privilégier le passé, ce quiest mort.

Être libre c'est créer le texte de sa vie non pas contre la loi mais au delà de la loi.

C'est obéir à la loi qu'onest prescrite, être autonome.

Mais il n'y a pas de liberté véritable sans éducation des citoyens : si la liberté c'est cequi émane du Moi, « [...] l'acte qui porte la marque de notre personne est véritablement libre.

» (Bergson), et cetacte pour être efficace doit être éclaire par la connaissance.

Obéir tout en étant libre n'est donc plus unepossibilité, mais bel et bien une nécessité.. »

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