Devoir de Philosophie

PRÉLIMINAIRES DES PENSÉES de PASCAL : L'Entretien avec M. de Sacy. — Les Fragments contemporains des « provinciales ».

Publié le 23/03/2011

Extrait du document

pascal

     Si le manuscrit correspond, comme nous en sommes persuadés, au caractère et aux habitudes du génie Pascalien, nous sommes obligés d'y reconnaître non pas un grand nombre d'idées ingénieuses et profondes apparues dans l'esprit, comme de soudaines illuminations, mais quelques problèmes très précis et capitaux, autour desquels se sera produite une floraison de pensées qui se rattacheront à chaque problème, comme des branches au tronc de l'arbre.

   Les problèmes seront des problèmes scrutant le secret de l'âme et de sa destinée, selon des expériences précises et personnelles, très étudiées.    Parallèlement nous aurons à débrouiller, d'un côté le déroulement des fragments, et de l'autre, le déroulement de la vie spirituelle de l'auteur :    comme une double coupe faite dans un cerveau.

pascal

« Quant à Montaigne, que Pascal (ou Fontaine faisant parler Pascal) oppose à Epictète, c'est uniquement lepyrrhonien qui va nous apparaître dans son portrait.

D'ailleurs, ce portrait incomplet est subtil et exact : Il met toutes choses dans un doute universel et si général, que ce doute s'emporte soi-même, c'est-à-dire (qu'ildoute) s'il doute, et doutant même de cette dernière proposition, son incertitude roule sur elle-même clans uncercle perpétuel et sans repos ; s'opposant également à ceux qui assurent que tout est incertain et à ceux quiassurent que tout ne l'est pas, parce qu'il ne veut rien assurer.

C'est dans ce doute qui doute de soi et dans cetteignorance qui s'ignore et qu'il appelle sa maîtresse forme, qu'est l'essence de son opinion, qu'il n'a pu exprimer paraucun terme positif. D'où il faut déduire une morale toute opposée à celle d'Epictète : De ce principe, dit-il, que hors de la loi tout est dans l'incertitude, et considérant bien combien il y a que l'oncherche le vrai et le bien sans aucun progrès vers la tranquillité, il conclut qu'on en doit laisser le soin aux autres, etdemeurer cependant en repos, coulant légèrement sur les sujets de peur d'y enfoncer en appuyant : et prendre levrai et le bien sur la première apparence, sans les presser, parce qu'ils sont si peu solides, que quelque peu qu'onserre la main ils s'échappent entre les doigts et la laissent vide.

C'est pourquoi il suit le rapport des sens et lesnotions communes, parce qu'il faudrait qu'il se fît violence pour les démentir, et qu'il ne sait s'il gagnerait, ignorantoù est le vrai.

Ainsi il fuit la douleur et la mort, parce que son instinct l'y pousse, et qu'il n'y veut pas résister pourla même raison, mais sans en conclure que ce soient de véritables maux, ne se fiant pas trop à ces mouvementsnaturels de crainte, vu qu'on en sent d'autres de plaisir qu'on accuse d'être mauvais, quoique la nature parle aucontraire.

Ainsi, il n'a rien d'extravagant dans sa conduite ; il agit comme les autres hommes ; et tout ce qu'ils fontdans la sotte pensée qu'ils suivent le vrai bien, il le fait par un autre principe, qui est que les vraisemblances étantpareillement d'un et d'autre côté, l'exemple et la commodité sont les contre-poids qui l'entraînent. Il suit donc les moeurs de son pays parce que la coutume l'emporte, etc... En conclusion, Pascal déclare à M.

de Sacy que ces deux philosophies sont les seules raisonnables, mais elles sontégalement fausses, impuissantes et dangereuses.

L'une entraîne à l'orgueil, l'autre à la lâcheté.

L'une et l'autre ontignoré le péché originel. Cette conclusion est celle-là même qui se dégage de l'édition des Pensées de Port-Royal, et je ne doute pas queFontaine n'ait complété avec elles, ses souvenirs, avant de composer ce morceau d'éclat. Du moins nous devons retenir que Pascal passait à Port-Royal pour posséder à fond Epictète et "Montaigne, c'est-à-dire pour être pénétré de leur influence. Nous constaterons cette influence nous-mêmes à chaque pas.

Montaigne dont Pascal semble apprécierparticulièrement l'Essai sur l'art de conférer, l'Apologie de Raymond Sebonde et de la coutume où de ne changeraisément une loi reçue, est pour lui un magasin d'expressions et d'images, une provision de faits et de témoignages,un trésor d'observation sur l'homme. Quant à Epictète, s'il en parle moins souvent, il indique assez qu'il l'a pris pour second modèle à écrire. L'édition des Essais dont Pascal se servait et à laquelle il renvoie, est l'édition in-folio de 1652.

Faute de s'en êtrerendu compte, M.

Havet et beaucoup d'éditeurs qui s'imaginaient que Montaigne était cité d'après l'édition de 1635ont commis d'étranges et ridicules confusions. L'Epictète, dont Pascal s'est servi, était-il celui de Dom Jean Saint-François ? A moins de supposer que Pascals'était contenté d'une traduction latine, nous devons l'admettre sans hésiter.A peine entré dans le monde de Port-Royal et des amis de Port-Royal, Pascal, après avoir été un instant occupé àl'éducation et à l'instruction des enfants, fut donc jeté dans la prodigieuse aventure des Provinciales. Ces merveilleuses comédies où se reconnaissent à la fois l'homme du monde, le psychologue, l'observateurpénétrant, le saint et même le savant, ont coûté à leur auteur un terrible travail.

Louis de Montalte ne pouvait ymettre le temps et la patience ; il y mit une intensité prodigieusement rapide de réflexion et d'exécution.

En une,deux ou trois semaines, il réussissait, à force de reprises, de corrections et de retouches, un chef-d'œuvre.

C'est untour de force, que l'on peut bien dire épuisant. Or certains fragments du manuscrit, que l'on a incorporés dans les Pensées, se rattachent à cette période.

Ils nes'expliquent que par les Provinciales et par les événements qui ont accompagné la naissance, le progrès, la fin desProvinciales.

Leur sens, comme nous l'avons dit, est altéré jusqu'au contresens, quand on ne les rattache pas auxProvinciales. En revanche, si l'on a ce soin, l'on éprouve une surprise qui ne nuit certes pas à l'impression générale : le mêmefonds qu'on retrouvera dans les Pensées proprement dites et qu'on a déjà reconnu dans les traités et opusculesantérieurs de Pascal, s'y reconnaît.

On peut admirer la continuité d'un génie qui ne s'est jamais démenti, sans jamaiss'enchaîner fût-ce à ses propres conceptions.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles