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Y a-t-il une vertu de l'oubli ?

Publié le 13/01/2004

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La pensée elle-même devra donc être expliciter dans sa définition contextuelle. Car si par pensée on appelle conscience, peut-être alors y a-t-il obstacle à définir l'oubli comme vertu.     Problématique   L'oubli, dans ce qu'il comporte d'ignorance et d'inconscience, peut-il être considéré comme un acte positif de la pensée, en tant qu'il sera curateur ou bénéfique pour la vie d'un sujet ? Il faut donc s'interroger sur la fonction de l'oubli tout autant que sur sa nature. Appartient-il à la pensée en tant que telle ? En quel sens peut-on et même doit-on entendre « vertu de la pensée » ? Un travail de définition rigoureux est ici requis. Plan 1) La force de l'oubli : effacement et absence L'oubli et la mort = Dans L'Antiquité grecque, Léthée est une divinité, l'Oubli, qui donne son nom ai fleuve qui sépare le Tartare (le fond des Enfers) et les Champs Elysées (là où séjournaient les âmes vertueuses) : durant leur trajet, les âmes boivent de ses eaux pour oublier les circonstances de leur vie ; celles qui sont destinées à une nouvelle existence terrestre y boivent pour perdre tout souvenir de la mort. L'oubli est ainsi ce qui garantit la séparation entre la vie et la mort en évitant que le souvenir de la vie ne vienne hanter les morts, et que le souvenir de la mort ne soit un obstacle à la vie. L'oubli a donc une « vertu » au sens premier de ce mot : une force (virtus) ; force d'effacement, disparition, il est comme une seconde mort.

« symptômes de la souffrance, et retours que la mémoire devra exorciser.

2) Faut-il savoir oublier ? L'éternel retour = vouloir oublier serait donc une contradiction dans les termes : reconnaître une vertu de l'oublisupposerait qu'on puisse le choisir ou le provoquer positivement ; or l'oubli n'est pas véritablement un acte, c'est lafuite ou l'effacement de quelque chose.

Et comme le montre la psychanalyse, on peut feindre d'oublier, mais enl'occurrence cet oubli n'en est pas un : le lapsus, le rêve, les actes manqués montrent que ce refoulement hante laconscience, et empêche la vie.

C'est alors justement l'impossibilité d'oublier qui nous entraîne à revivreéternellement le Même.Pourtant, la mémoire ne comporte-t-elle pas nécessairement des absences ? La seule mémoire constante que nousayons à notre disposition est notre corps, mais cette mémoire n'est pas entièrement transportable en conscience.Une certaine forme d'oubli ne serait-elle pas nécessaire à la vie sans être une perte pour la conscience ?Le seuil de l'instant = La conscience n'est que l'effort, pour l'identité d'un individu, pour se ressaisir ; cette identitéest faite de souvenirs, d'actes, d'une histoire.

Mais tout acte exige l'oubli, parce qu'au moment où nous agissons,nous devons alors nous « asseoir au seuil de l'instant » selon la formule de Nietzsche : celui qui serait incapable derien oublier serait condamné à se perdre dans le torrent des choses en devenir.

La mémoire représente donc cettefaculté par laquelle le souvenir, au lieu d'être conservation morbide, peut être conscience du passé comme passé :dans ces conditions, un devoir de mémoire et une vertu de l'oubli ne sont plus contradictoires.L'oubli est donc vital, comme la lumière aux êtres organiques, mais seulement lorsqu'il n'est pas fuite, nirefoulement : capacité de se sentir pour un temps hors de l'histoire, « de se dresses un instant tout debout commeune victoire » (Nietzsche), la faculté d'oubli n'est rien d'autre qu'un honneur rendu au présent et à son absoluenouveauté. Si l'animal jouit d'un bonheur que l'homme jalouse, c'est parce qu'il n'a pas demémoire supérieure.

Seul l'homme dit « je me souviens » et pour cela il lui estimpossible de vivre heureux et pleinement.

En effet :1) C'est par la mémoire, conscience du passé, que l'homme acquiert laconscience du temps et donc celle de la fugitivité et de l'inconsistance detoutes choses, y compris de son être propre.

Il sait que ce qui a été n'estplus, et que ce qui est est destiné à avoir été, à n'être plus.

Cette présencedu passé l'empêche de goûter l'instant pur, et par conséquent le vraibonheur.2) Le passé apparaît à l'homme comme l'irréversible et l'irrémédiable.

Il marquela limite de sa volonté de puissance.

L'instant présent, ouvert sur l'avenir, estle lieu du possible où peut s'exercer sa volonté de puissance.

Le passé, aucontraire, change et fige la contingence du présent en la nécessité du « celaa été ».

Dès lors la volonté ne peut que se briser sur cette pétrification dupassé qui se donne comme le contre-vouloir de cette volonté.

C'est pourquoi« l'homme s'arc-boute contre le poids de plus en plus lourd du passé quil'écrase ou le dévie, qui alourdit sa démarche comme un invisible fardeau deténèbres ».3) Sans l'oubli l'homme ne peut pleinement vouloir ni agir : il est un êtremalade, il est l'homme du ressentiment.

La « santé » psychique dépend de lafaculté de l'oubli, faculté active et positive dont le rôle est d'empêcherl'envahissement de la conscience par les traces mnésiques (les souvenirs). Car alors l'homme réagit à ces traces et cette réaction entrave l'action.

Par elles l'homme re-sent, et tant qu'ellessont présentes à la conscience, l'homme n'en finit pas de ressentir, « il n'en finit avec rien ».

Englué dans samémoire, l'homme s'en prend à l'objet de ces traces dont il subit l'effet avec un retard infini et veut en tirervengeance: « On n'arrive à se débarrasser de rien, on n'arrive à rien rejeter.

Tout blesse.

Les hommes et les chosess'approchent indiscrètement de trop près, tous les événements laissent des traces; le souvenir est une plaiepurulente.

» Le désir de vengeance et le ressentimentCette tension de la vie pour se surmonter elle-même sous la forme de la volonté de puissance peut-elle aller à l'infini? Une ascension infinie n'est pas possible parce que la volonté vient se heurter au temps : la volonté de puissancevient achopper sur l'essence du temps comme sur sa limite.

Elle peut bien vouloir l'avenir mais non pas le passé.

Sil'avenir est le domaine qui lui est ouvert, le passé semble lui échapper pour toujours : « En arrière ne peut vouloir lavolonté.

»La volonté ne peut vouloir en arrière que sous les formes morbides du désir de vengeance et du ressentiment.

Cettevolonté réactive ne veut pas simplement abolir ou annuler ceci ou cela, c'est contre le devenir lui-même dans cequ'il a d'irréversible et d'inexorable qu'elle s'exerce, parce que c'est à sa propre impuissance à vouloir pour le passéqu'elle se trouve confrontée. Conclusion. »

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