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Notes de cours: LA JUSTICE

Publié le 22/02/2012

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justice
L'idée de justice (justitia) est inséparable de celle de droit (jus). Etre juste, c'est agir selon le droit. De là deux sens possibles du mot justice: la justice pourra consister à savoir une conduite conforme au droit légal, ou conforme au droit moral: dans le premier cas, l'homme juste sera celui qui obéira aux lois, dans le second celui dont la conduite sera conforme à l'idéal moral. La vertu de justice a donc trait, non aux intentions, mais aux actes; elle réside dans une conduite conforme au droit. A. La justice distributive. On appelle souvent "devoirs de justice", les devoirs fondés sur le respect du droit d'autrui (ainsi, les hommes ayant le droit de vivre, nous avons le devoir de ne porter nulle atteinte à leur vie; les hommes ayant droit à la liberté, nous ne devons point les opprimer, les exploiter, gêner le libre exercice de leur pensée. Comme le disaient les jurisconsultes anciens, la justice consiste dans la volonté constante que l'on a de donner à chacun ce qui lui est dû. Par là même, l'idée de justice implique celle d'une répartition équitable des avantages selon les mérites. Ainsi s'introduit l'idée de la justice distributive. 1) Dans l'antiquité, cette justice est conçue comme anti-égalitaire: elle repose sur l'ordre, la hiérarchie. Pour Platon, la fonction de la justice est de réaliser l'harmonie dans l'homme et dans la société en maintenant chaque partie de l'âme (esprit, passions généreuses, appétits) et chaque classe sociale (philosophes, guerriers, artisans) dans sa fonction propre, c'est-à-dire en assurant la prédo minance du supérieur sur l'inférieur. Pour Aristote, la distribution des richesses, pour être conforme à la justice, doit être faite selon la dignité du citoyen, son rang. Si donc, en une telle justice, on peut parler d'égalité, cette égalité est celle des rapports entre la dignité de chacun et les avantages qui lui sont accordés. 2) Beaucoup de modernes, au contraire, ne demandent plus l'égalité entre des rapports, mais entre des êtres. Tous les individus leur apparaissent comme égaux en droit, la dignité de la personne humaine n'étant pas susceptible de degrés. Dès lors, la justice serait égalitaire, les inégalités existant parmi les hommes apparaissant comme injustes. En ce sens, le sentiment de la justice nous amène à opposer à l'ordre de fait un ordre de droit, conçu comme plus légitime que lui. Pour les anciens, la moralité se réglait sur la Nature, et, celle-ci nous présentant le spectacle de l'inégalité, la justice était inégalitaire, et confirmait la hiérarchie naturelle. Le christianisme a opposé à cette notion celle de l'égalité des hommes devant Dieu: au point de vue surnaturel, une âme vaut une autre âme. Aussi, dans les temps modernes, les hommes furent-ils généralement conçus comme ayant une dignité égale. Mais, le difficile est de déterminer le domaine de l'égalité. Si, en effet, les hommes sont égaux en tant que "personnes morales", ils ne le sont pas en tant qu'individus, c'est-à-dire en ce qui concerne leurs qualités, leurs aptitudes, leur force, leur intelligence. Dès lors, peut-on leur accorder le même pouvoir, les mêmes avantages matériels? Ce problème est politique. Certaines doctrines n ient toute égalité, d'autres limitent l'égalité à certains domaines (ainsi, les démocraties reconnaissent en général l'égalité politique, mais consacrent l'inégalité des richesses), d'autres enfin (le communisme) tendent à l'égalité absolue. Mais, il est clair que l'égalité des hommes ne peut être affirmée que sur un plan moral et abstrait: leur inégalité est un fait qui ne saurait être aboli. B. La justice et les sanctions. La justice est conçue comme la source des sanctions. Et, si l'on peut croire que les hommes possèdent quelque égalité de droit, il est de fait que leur conduite diffère: certains agissent moralement, d'autres non. Or, la conscience morale estime qu'une bonne action mérite une récompense, qu'une mauvaise action doit être punie. Déjà, de la justice distributive, Aristote avait distingué la justice rectificative qui répare les dommages, restitue le droit. L'action immorale semble déranger l'ordre du droit: la justice doit le rétablir. Ainsi s'introduit l'idée de sanction. 1) Les sanctions peuvent être légales: elles émanent alors, en général, de la justice prise au sens de "l'ensemble des magistrats exerçant le pouvoir judiciaire". La société, en effet, punit l'homme coupable d'une infraction aux lois. Les sanctions légales peuvent consister en des amendes, de la prison, voire dans la peine de mort. En certains pays, les sanctions légales prennent encore la forme de véritables tortures physiques infligées pas la société au criminel. Parfois aussi, la société récompense les citoyens qui ont bien mérité d'elle (décorations, pensions). Mais, il convient de remarquer que les sanctions légales ne satisfont jamais tout à fait la conscience morale. Elles ne jugent que selon le social. Elles ne prennent en considération que l'acte, et non l'intention. Encore sont-elles souvent mal proportionnées à l'acte en question et, par là même, injustes. La justice des hommes est imparfaite. Du reste, son but n'est point de rétablir, par l'expiation du crime, l'équilibre d'une idéale justice; son but est utilitaire: il est d'éviter le retour des crimes en intimidant les criminels possibles par la menace des châtiments, en empêchant de nuire à nouveau, voire en éliminant ceux qui déjà ont commis des crimes. Le pouvoir de la justice légale est d'ailleurs fort limité: la plupart de nos biens et de nos maux ne dépendent pas des hommes. Aussi, la conscience de l'homme l'a-t-elle poussé à imaginer un autre monde, où la justice règnerait, c'est-à-dire où les bons seraient récompensés et les méchants punis. Il existerait donc des sanctions surnaturelles nécessairement justes puisqu'elles émaneraient d'un Dieu omniscient et parfait. Il est clair que l'existence de sanctions surnaturelles ne peut être établie par la science ou la raison: elle n'est qu'objet de croyance. L'idée qu'il existe une autre justice que celle des hommes est en général l'objet d'une foi religieuse. On peut y voir aussi, avec Kant, l'objet d'une foi purement morale, résultat de la conviction qu'à la conscience morale que l'ordre de la Valeur et l'ordre de l'Etre seront un jour conciliés, et donc que sa tâche n'est point vaine. On voit que la sanction ne peut être tenue pour une suite naturelle de l'acte; elle ne résulte pas de l'acte, elle n'est pas son effet: elle émane d'un justicier qui récompense ou punit selon que l'acte a été ou non conforme à une règle préétablie (loi sociale ou loi morale). 3) On s'est demandé quelle était la valeur morale des sanctions. L'idée de sanction semble avoir sa source dans une exigence de la conscience morale: il nous parait en effet conforme à la justice que le crime soit puni, la vertu récompensée, et que l'ordre du droit, quand il a été violé soit réparé. Notre conscience, comme le remarque Kant, demande que la vertu coïncide avec le bonheur. Or, certains moralistes se sont élévés contre l'idée même de sanction, et l'ont considérée comme un facteur d'immoralité. Tout d'abord, disent-ils, l'idée selon laquelle l'ordre de la justice, une fois violé, pourrait être rétabli grâce à une souffrance infligée au coupable, est une idée confuse et mal établie. La source d'une telle idée semble devoir être cherchée dans des exigences sociales plutôt que dans des exigences morales. On voit mal comment une faute morale pourrait être réparée par une souffrance: celle-ci ne serait qu'un mal s'ajoutant au premier. En outre, pour se prononcer en connaissance de cause sur la légitimité morale des sanctions, il faudrait avoir résolu le problème de la responsabilité, de la liberté de l'homme. On peut enfin remarquer que l'idée de sanction peut faire disparaître en nous toute vraie moralité: ce n'est pas être moral que faire son devoir dans l'espoir d'une récompense ou la crainte d'un châtiment. Kant a insisté sur le fait que l'attente d'un plaisir ou d'une peine fait naître des inclinations enlevant à l'acte moral sa valeur de désintéressement. De fait, il faut reconnaître que l'on trouve, dans l'exigence de sanction, la perpétuelle confusion d'une nécessité sociale et d'une aspiration morale. Les sanctions sont nécessaires au maintient de l'ordre social. Mais, ont-elles une valeur d'expiation, collaborent-elles au maintient de la justice morale? Ce que l'on peut affirmer, c'est que tel n'est pas le cas des sanctions humaines. Pour appliquer avec justice une sanction, il faudrait en effet pouvoir apprécier la responsabilité de chacun, connaître son caractère et la puissance des forces qui le déterminent à agir, avoir résolu le problème métaphysique de la liberté. Nul homme ne saurait y prétendre. Ceux qui exercent une fonction de justice devraient donc, dissocier le point de vue social et le point de vue moral. On peut être moralement indulgent et socialement inflexible. Les sanctions sont une nécessité, une arme efficace contre le crime: il faut, certes, les employer comme telles. Mais seul un Dieu ou un Esprit omniscient pourrait juger selon la justice morale: sur le plan de la conscience, il faut donc s'en tenir au précepte: "Ne jugez point", et conserver un coeur sans haine.

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