Devoir de Philosophie

argentée caressait ses épaules, une ombre bleue emplissait le creux qui partageait son dos étincelant ; et les fossettes de es reins, qui s'élevaient et s'abaissaient à chacun de ses pas souriaient d'un divin sourire.

Publié le 04/11/2013

Extrait du document

argentée caressait ses épaules, une ombre bleue emplissait le creux qui partageait son dos étincelant ; et les fossettes de es reins, qui s'élevaient et s'abaissaient à chacun de ses pas souriaient d'un divin sourire. Je voyais distinctement l'ombre zurée croître et décroître au creux du jarret, selon que la jambe était tendue ou pliée. Je remarquai aussi la plante rose e ses pieds. Je la poursuivis longtemps sans fatigue et d'un pas léger comme le vol d'un oiseau. Mais une ombre épaisse a voilait, et sa fuite incessante me conduisit dans un chemin si étroit qu'un petit poêle de fonte le barrait entièrement. 'était un de ces poêles à longs tuyaux coudés qu'on met dans les ateliers. Il était chauffé à blanc. La porte était ncandescente et la fonte rougissait tout autour. Un chat à poil ras se tenait assis dessus et me regardait. En approchant, j'aperçus par les fentes de sa peau grillée une pâte ardente de fer fondu qui remplissait son corps. Il miaulait et je compris qu'il me demandait de l'eau. Pour en trouver, je descendis la pente d'un bois frais, planté de frênes et de bouleaux. Un ruisseau y coulait, au fond d'une ravine. Mais des blocs de grès et des touffes de chênes nains le surplombaient et je ne pouvais en approcher. Tandis que je me laissais glisser sur JEAN MARTEAU 55 Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables une pierre moussue, mon bras gauche se détacha de mon épaule sans blessure ni douleur. Je le pris dans ma main droite. Il était insensible et froid ; son contact me fut désagréable. Je fis cette réflexion que maintenant j'étais exposé à le perdre et que c'était pour le reste de ma vie un pénible assujettissement que de veiller sans cesse à sa conservation. Je me promis de faire faire une boîte en ébène pour le renfermer quand je ne m'en servirais pas. Comme j'avais très froid dans ce creux humide, j'en sortis par un sentier rustique qui me mena sur un plateau battu des vents, où tous les arbres étaient douloureusement courbés. Là, par un chemin jaune, passait une procession. Elle était rustique, humble, toute semblable à la procession des Rogations dans le village de Brécé, que notre maître, M. Bergeret, connaît bien. Le clergé, les confréries, les fidèles n'offraient rien de singulier, à cela près qu'aucun n'avait de pieds et qu'ils allaient tous sur de petites roulettes. Je reconnus sous le dais M. l'abbé Lantaigne, devenu curé de village et qui pleurait des larmes de sang. Je voulus lui crier: "Je suis ministre plénipotentiaire." Mais la voix s'arrêta dans ma gorge, et une grande ombre, descendue sur moi, me fit lever la tête. C'était une des béquilles de la petite boiteuse. Elles montaient maintenant à mille mètres dans le ciel, et j'aperçus l'enfant comme un point noir devant la lune. Les étoiles avaient grandi encore et pâli, et je distinguai parmi elles trois planètes dont la forme sphérique apparaissait nettement à l'oeil. Je crus même reconnaître quelques taches à leur surface. Mais ces taches ne correspondaient pas aux dessins de Mars, de Jupiter et de Saturne que j'avais vus naguère dans les livres d'astronomie. "Mon ami Vernaux s'étant approché de moi, je lui demandai s'il ne voyait pas les canaux de la planète Mars. "Le ministère est renversé", me dit-il. "Il ne portait plus trace de la broche dont je l'avais vu transpercé, mais il avait sa tête et son cou de poulet, et il était ruisselant de sauce. J'éprouvais un besoin irrésistible de lui exposer ma théorie optique, et de reprendre mon raisonnement au point où je l'avais laissé. "Les grands sauriens, lui dis-je, qui nageaient dans les eaux chaudes des mers primitives, avaient l'oeil construit comme une lunette..." "Au lieu de m'écouter, il se mit à un lutrin, qui se trouvait dans la campagne, ouvrit un antiphonaire et se mit à chanter comme un coq. "Impatienté, je lui tournai le dos et sautai dans un tram qui passait. Je trouvai dedans une vaste salle à manger, semblable à celles des grands hôtels et des transatlantiques. Elle était couverte de cristaux et de fleurs. Des femmes décolletées et des hommes en habit étaient assis autour à perte de vue, devant des candélabres et des lustres qui formaient une perspective infinie de lumière. Un maître d'hôtel me présenta des viandes dont je pris ma part. Mais elles exhalaient une odeur fétide et le morceau que je portai à ma bouche me souleva le coeur. D'ailleurs je n'avais pas faim. Les convives quittèrent la table sans que j'eusse avalé une bouchée. Tandis que les valets emportaient les flambeaux, Vernaux s'approcha de moi et me dit: "Tu n'as pas vu la dame décolletée qui était assise près de toi. C'était Mélanie. Regarde." "Et il me montra par la portière des épaules baignées d'une lumière blanche dans la nuit, sous les arbres. Je sautai dehors, je m'élançai à la poursuite de la forme charmante. Cette fois, je l'approchai, je l'effleurai. Je sentis un moment palpiter sous mes doigts une chair délicieuse. Mais elle glissa entre mes bras, et j'embrassai des ronces. "Voilà mon rêve. Il est vrai qu'il est triste", dit M. Bergeret, en empruntant son langage à la simple Stratonice: La vision de soi peut faire quelque horreur. II JEAN MARTEAU 56 Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables LA LOI EST MORTE MAIS LE JUGE EST VIVANT "Quelques jours après, dit Jean Marteau, il m'arriva de coucher dans un taillis du bois de Vincennes. Je n'avais pas mangé depuis trente-six heures." M. Goubin essuya les verres de son lorgnon. Il avait les yeux tendres et le regard dur. Il examina minutieusement Jean Marteau et lui dit d'un ton de reproche: "Comment? Cette fois encore vous n'aviez pas mangé depuis vingt-quatre heures? ette fois encore, répondit Jean Marteau, je n'avais pas mangé depuis vingt-quatre heures. Mais j'avais tort. l n'est pas convenable de manquer de pain. C'est une incorrection. La faim devrait être un délit comme le vagabondage. ais en fait les deux délits se confondent et l'article 269 punit de trois à six mois de prison les gens qui n'ont pas de oyens de subsistance. Le vagabondage, dit le Code, est l'état des vagabonds, des gens sans aveu, qui n'ont ni domicile ertain ni moyens de subsistance et qui n'exercent habituellement aucun métier, aucune profession. Ce sont de grands oupables. l est remarquable, dit M. Bergeret, que l'état de ces vagabonds, passibles de six mois de prison et de dix ans de urveillance, est précisément celui où le bon saint François mit ses compagnons, à Sainte-Marie-des-Anges, et les filles e sainte Claire, saint François d'Assise et saint Antoine de Padoue, s'ils venaient prêcher aujourd'hui à Paris, risqueraient ort d'aller dans le panier à salade au dépôt de la Préfecture. Ce que j'en dis n'est pas pour dénoncer à la police les moines endiants qui pullulent maintenant et trublionnent chez nous. Ceux-là ont des moyens d'existence et ils exercent tous es métiers. ls sont respectables puisqu'ils sont riches, dit Jean Marteau, et la mendicité n'est interdite qu'aux pauvres. i j'avais été trouvé sous mon arbre, j'aurais été mis en prison, et c'eût été justice. Ne possédant rien, j'étais un ennemi résumé de la propriété, et il est juste de défendre la propriété contre ses ennemis. La tâche auguste du juge est 'assurer à chacun ce qui lui revient, au riche sa richesse et au pauvre sa pauvreté. 'ai médité la philosophie du droit, dit M. Bergeret, et j'ai reconnu que toute la justice sociale reposait sur ces deux xiomes: le vol est condamnable ; le produit du vol est sacré. Ce sont là les principes qui assurent la sécurité des individus t maintiennent l'ordre dans l'État. Si l'un de ces principes tutélaires était méconnu, la société tout entière s'écroulerait. ls furent établis au commencement des âges. Un chef vêtu de peaux d'ours, armé d'une hache de silex et d'une épée en ronze, rentra avec ses compagnons dans l'enceinte de pierres où les enfants de la tribu étaient renfermés avec les roupeaux des femmes et des rennes. Ils ramenaient les jeunes filles et les jeunes garçons de la tribu voisine et apportaient des pierres tombées du ciel, qui étaient précieuses parce qu'on en faisait des épées qui ne pliaient pas. Le hef monta sur un tertre, au milieu de l'enceinte, et dit: "Ces esclaves et ce fer, que j'ai pris à des hommes faibles et éprisables, sont à moi. uiconque étendra la main dessus sera frappé de ma hache." Telle est l'origine des lois. Leur esprit est antique et arbare. Et c'est parce que la justice est la consécration de toutes les injustices, qu'elle rassure tout le monde. Un juge peut être bon, car les hommes ne sont pas tous méchants ; la loi ne peut pas être bonne, parce qu'elle est ntérieure à toute idée de bonté. Les changements qu'on y a apportés dans la suite des âges n'ont pas altéré son aractère originel. Les juristes l'ont rendue subtile et l'ont laissée barbare. C'est à sa férocité même qu'elle doit d'être espectée et de paraître auguste. Les hommes sont enclins à adorer les dieux méchants, et ce qui n'est point cruel ne leur emble point vénérable. Les justiciables croient à la justice des lois. Ils n'ont point une autre morale que les juges, et ils ensent comme eux qu'une action punie est une action punissable. J'ai été souvent touché de voir, en police orrectionnelle ou en Cour d'assises, que le coupable et le juge s'accordent parfaitement sur les idées de bien et de mal. ls ont les mêmes préjugés, et une morale commune. EAN MARTEAU 7 rainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables Il n'en saurait être autrement, dit Jean Marteau. Un alheureux qui a volé à un étalage une saucisse ou une paire de souliers n'a pas pour cela pénétré d'un regard profond et 'un esprit intrépide les origines du droit et les fondements de la justice. Et ceux qui, comme nous, n'ont pas craint de oir la consécration de la violence et de l'iniquité à l'origine des Codes, ceux-là sont incapables de voler un centime. ais enfin, dit M. Goubin, il y a des lois justes. royez-vous? demanda Jean Marteau. onsieur Goubin a raison, dit M. Bergeret. Il y a des lois justes. Mais la loi, étant instituée pour la défense de la société, e saurait être, dans son esprit, plus équitable que cette société. Tant que la société sera fondée sur l'injustice, les lois uront pour fonction de défendre et de soutenir l'injustice. Et elles paraîtront d'autant plus respectables qu'elles seront lus injustes. Remarquez aussi qu'anciennes pour la plupart, elles représentent non pas tout à fait l'iniquité présente, ais une iniquité passée, plus rude et plus grossière. Ce sont des monuments des âges mauvais, qui subsistent dans des ours plus doux. ais on les corrige, dit M. Goubin. n les corrige, répondit M. Bergeret. La Chambre et le Sénat y travaillent quand ils n'ont pas autre chose à faire. Mais le ond subsiste: il est âpre. A vrai dire, je ne craindrais pas beaucoup les mauvaises lois si elles étaient appliquées par de ons juges. La loi est inflexible, dit-on. Je ne le crois pas. Il n'y a point de texte qui ne se laisse solliciter. La loi est morte. e magistrat est vivant ; c'est un grand avantage qu'il a sur elle. alheureusement il n'en use guère. D'ordinaire, il se fait plus mort, plus froid, plus insensible que le texte qu'il applique. l n'est point humain ; il n'a point de pitié. L'esprit de caste étouffe en lui toute sympathie humaine.

« "Comment? Cettefoisencore vousn'aviez pasmangé depuisvingt−quatre heures? Cette foisencore, répondit JeanMarteau, jen'avais pasmangé depuisvingt−quatre heures.Maisj'avais tort. Il n'est pasconvenable demanquer depain.

C'estuneincorrection.

Lafaim devrait êtreundélit comme levagabondage. Mais enfait lesdeux délits seconfondent etl'article 269punit detrois àsix mois deprison lesgens quin'ont pasde moyens desubsistance.

Levagabondage, ditleCode, estl'état desvagabonds, desgens sansaveu, quin'ont nidomicile certain nimoyens desubsistance etqui n'exercent habituellement aucunmétier, aucune profession.

Cesont degrands coupables. Il est remarquable, ditM.

Bergeret, quel'état deces vagabonds, passiblesdesix mois deprison etde dix ans de surveillance, estprécisément celuioùlebon saint François mitsescompagnons, àSainte−Marie−des−Anges, etles filles de sainte Claire, saintFrançois d'Assiseetsaint Antoine dePadoue, s'ilsvenaient prêcheraujourd'hui àParis, risqueraient fort d'aller danslepanier àsalade audépôt delaPréfecture.

Ceque j'endisn'est paspour dénoncer àla police lesmoines mendiants quipullulent maintenant ettrublionnent cheznous.

Ceux−là ontdes moyens d'existence etils exercent tous les métiers. Ils sont respectables puisqu'ilssontriches, ditJean Marteau, etlamendicité n'estinterdite qu'auxpauvres. Si j'avais ététrouvé sousmon arbre, j'aurais étémis enprison, etc'eût étéjustice.

Nepossédant rien,j'étais unennemi présumé delapropriété, etilest juste dedéfendre lapropriété contresesennemis.

Latâche auguste dujuge est d'assurer àchacun cequi luirevient, auriche sarichesse etau pauvre sapauvreté. J'ai médité laphilosophie dudroit, ditM.

Bergeret, etj'ai reconnu quetoute lajustice sociale reposait surces deux axiomes: levol est condamnable ;le produit duvol est sacré.

Cesont làles principes quiassurent lasécurité desindividus et maintiennent l'ordredansl'État.

Sil'un deces principes tutélaires étaitméconnu, lasociété toutentière s'écroulerait. Ils furent établis aucommencement desâges.

Unchef vêtu depeaux d'ours, arméd'une hache desilex etd'une épéeen bronze, rentraavecsescompagnons dansl'enceinte depierres oùles enfants delatribu étaient renfermés avecles troupeaux desfemmes etdes rennes.

Ilsramenaient lesjeunes fillesetles jeunes garçons delatribu voisine et rapportaient despierres tombées duciel, quiétaient précieuses parcequ'on enfaisait desépées quinepliaient pas.Le chef monta suruntertre, aumilieu del'enceinte, etdit: "Ces esclaves etce fer, que j'aipris àdes hommes faibleset méprisables, sontàmoi. Quiconque étendralamain dessus serafrappé dema hache." Telleestl'origine deslois.

Leur esprit estantique et barbare.

Etc'est parce quelajustice estlaconsécration detoutes lesinjustices, qu'ellerassure toutlemonde. "Un juge peut êtrebon, carleshommes nesont pastous méchants ;la loi ne peut pasêtre bonne, parcequ'elle est antérieure àtoute idéedebonté.

Leschangements qu'onya apportés danslasuite desâges n'ont pasaltéré son caractère originel.Lesjuristes l'ontrendue subtileetl'ont laissée barbare.

C'estàsa férocité mêmequ'elle doitd'être respectée etde paraître auguste.

Leshommes sontenclins àadorer lesdieux méchants, etce qui n'est point cruelneleur semble pointvénérable.

Lesjusticiables croientàla justice deslois.

Ilsn'ont point uneautre morale quelesjuges, etils pensent commeeuxqu'une actionpunieestune action punissable.

J'aiété souvent touchédevoir, enpolice correctionnelle ouenCour d'assises, quelecoupable etlejuge s'accordent parfaitement surlesidées debien etde mal. Ils ont lesmêmes préjugés, etune morale commune. JEAN MARTEAU 57 Crainquebille, Putois,Riquetetplusieurs autresrécitsprofitables Iln'en saurait êtreautrement, ditJean Marteau.

Un malheureux quiavolé àun étalage unesaucisse ouune paire desouliers n'apas pour celapénétré d'unregard profond et d'un esprit intrépide lesorigines dudroit etles fondements delajustice.

Etceux qui,comme nous,n'ontpascraint de voir laconsécration delaviolence etde l'iniquité àl'origine desCodes, ceux−là sontincapables devoler uncentime. Mais enfin, ditM.

Goubin, ilya des loisjustes. Croyez−vous? demandaJeanMarteau. Monsieur Goubinaraison, ditM.

Bergeret.

Ilya des loisjustes.

Maislaloi, étant instituée pourladéfense delasociété, ne saurait être,danssonesprit, pluséquitable quecette société.

Tantquelasociété serafondée surl'injustice, leslois auront pourfonction dedéfendre etde soutenir l'injustice.

Etelles paraîtront d'autantplusrespectables qu'ellesseront plus injustes.

Remarquez aussiqu'anciennes pourlaplupart, ellesreprésentent nonpastout àfait l'iniquité présente, mais uneiniquité passée,plusrude etplus grossière.

Cesont desmonuments desâges mauvais, quisubsistent dansdes jours plusdoux. Mais onles corrige, ditM.

Goubin. On lescorrige, répondit M.Bergeret.

LaChambre etleSénat ytravaillent quandilsn'ont pasautre chose àfaire.

Maisle fond subsiste: ilest âpre.

Avrai dire, jene craindrais pasbeaucoup lesmauvaises loissielles étaient appliquées parde bons juges.

Laloi est inflexible, dit−on.Jene lecrois pas.Iln'y apoint detexte quineselaisse solliciter.

Laloi est morte. Le magistrat estvivant ;c'est ungrand avantage qu'ilasur elle. Malheureusement iln'en useguère.

D'ordinaire, ilse fait plus mort, plusfroid, plusinsensible queletexte qu'ilapplique. Il n'est point humain ;il n'a point depitié.

L'esprit decaste étouffe enluitoute sympathie humaine.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles