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« La vérité psychologique est le propre de l'observateur et du penseur : la vérité conventionnelle celui de l'homme de théâtre. Le théâtre est un art essentiellement de convention : il obéit à des lois particulières, toutes différentes de celles des autres genres littéraires. » A l'aide d'exemples précis choisis dans les pièces que vous connaissez, vous commenterez et discuterez au besoin ce jugement rapporté par Henry de Montherlant dans Notes sur mon théâtre.

Publié le 07/04/2011

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montherlant

   La personnalité de l'auteur de la citation ne doit pas égarer les élèves : aucune connaissance particulière de son œuvre n'est requise pour traiter le sujet, puisque Henry de Montherlant parle ici du théâtre en général et non des pièces qu'il a écrites. Il importait donc de bien mettre en lumière les différents points évoqués par notre auteur, et de les discuter, comme y invitait l'énoncé du sujet « à l'aide d'exemples précis choisis dans [des] pièces « de théâtre quelles qu'elles soient.    La citation de Montherlant comprenait en réalité deux affirmations. D'une part l'auteur oppose la « vérité conventionnelle « du dramaturge à la « vérité psychologique « de « l'observateur et du penseur «. D'autre part il souligne la part de convention sur laquelle repose le théâtre, contrairement aux autres genres littéraires. L'énoncé du sujet invitait à « commenter et au besoin à discuter « cette citation.

montherlant

« paradoxales : « La vérité psychologique est le propre de l'observateur et du penseur : la vérité conventionnelle celuide l'homme de théâtre.

» Le théâtre est un art essentiellement de convention : il obéit à des lois particulières, toutes différentes de cellesdes autres genres littéraires.

Faut-il vraiment voir dans ce recours obligé à la convention une spécificité du genrethéâtral, ou ne peut-on penser qu'en écrivant ces lignes Montherlant précise plutôt l'image qu'il se fait de sonpropre théâtre et du théâtre qu'il apprécie? *** A première vue pourtant on est tenté d'adhérer sans restrictions au propos de Montherlant, tant abondent lesexemples de conventions dont le théâtre fait usage. Comme les autres arts du temps, la musique et la danse par exemple, le théâtre a besoin de découper dans le fluxininterrompu de la durée un domaine qui lui soit propre et que le spectateur reconnaisse pour tel : avant même quele spectacle commence, la convention est là, avec les trois coups qui marquent le début de la représentation, avecle rideau qui se lève et l'éclairage qui se modifie; après la fin du spectacle, la convention est encore là avec lerideau qui tombe ou se referme, les applaudissements, le salut des acteurs ou les rappels : les personnages quiviennent de mourir au cours de l'action décrite par la pièce se relèvent miraculeusement, soulignant que ce n'était làqu'un jeu, une fiction, une illusion ne tenant que par la qualité des protagonistes et l'imagination du public. Mais pendant la représentation aussi, la convention règne puisque le temps de la pièce n'est pas le temps réel : endeux ou trois heures se produisent sur scène des événements qui dans la réalité ont demandé beaucoup pluslongtemps : un peu moins de vingt-quatre heures chez nos classiques, plusieurs dizaines d'années parfois chezShakespeare, comme dans le Conte d'Hiver où certains personnages naissent au premier acte et se retrouventadultes au dernier tandis que leurs parents ont à peine eu le temps de prendre une ride. L'espace scénique n'est d'ailleurs pas non plus l'espace réel mais un lieu purement conventionnel pouvant être tour àtour le Forum romain et la tente de Brutus, l'Arsenal de Venise et le château d'Othello à Chypre, la lande dessorcières et la salle de banquet de Macbeth.

Même quand le décor est unique, comme dans le théâtre classiquefrançais où nous restons pendant la pièce entière dans le salon de Célimène ou dans l'antichambre qui sépare lesappartements de Titus de ceux de Bérénice, l'espace reste fictif puisque ces lieux ne possèdent jamais que troiscôtés.

Contrairement au cinéma qui peut nous donner une illusion totale de la réalité du décor grâce auxdéplacements de la caméra ou au montage de champs et de contre-champs qui installent le spectateur au milieudes lieux de l'action, le théâtre est toujours contemplé de l'extérieur : les acteurs sur la scène sont comme despoissons qui évolueraient dans un aquarium dont la transparence de l'un des côtés permet seule la vision; pourinvisible qu'elle soit (encore que la « rampe » le matérialise quelque peu), la séparation de la scène et de la salleinstaure donc entre le spectateur et l'objet qu'il contemple un rapport purement conventionnel. Les décors et les costumes eux-mêmes n'ont d'autre fonction que d'être perçus par le spectateur comme faisantintrinsèquement partie de la représentation à laquelle il assiste : en eux, l'être se confond avec le paraître, et selimite à lui.

Qu'importe que les palais soient en bois et en toile ou que les arbres soient en carton s'ils on l'air d'êtredes palais et des arbres? Les habits richement brodés ne paraissent tels que vus de loin, mais précisément le publicles contemple toujours de loin, il n'a pas à s'aventurer dans le monde de convention qui évolue sur la scène, il restedans le monde réel des spectateurs, chacun sur son fauteuil d'où il ne bouge pas pour vérifier si les bijoux desimpératrices sont en toc ou si les poignards des conjurés sont en fer-blanc. Mais si le spectateur n'est là que pour voir et entendre, tout son être se limitant en quelque sorte à ces deuxperceptions, le personnage lui aussi n'est là que pour être vu et entendu : c'est pourquoi les acteurs ne tournentque fort rarement le dos au public et ne se parlent pas face à face mais légèrement tournés de profil; c'est pourquoiaussi on ne parle pas vraiment sur une scène : on y braille pour que le spectateur du dernier rang puisse lui aussientendre, et même les apartés qui dans la réalité resteraient muets et intérieurs à la personne qui les exprime : lanécessité d'être intelligible commande le texte lui-même.

Elle commande tout autant la façon dont ce texte est dit, la dramatisation : non seulement le volume sonore desacteurs est supérieur à celui de la réalité, mais les intonations elles-mêmes sont volontairement grossies pour êtreperceptibles; comme les maquillages accentuent les traits, la déclamation accentue les intentions du texte, lesmouvements mettent en valeur les mots ou les phrases, les déplacements soulignent le rôle que tel ou telpersonnage remplit à tel ou tel moment.

Tous ces éléments de mise en scène concourent à la création d'un mondepurement conventionnel où le temps, l'espace, l'éclairage, le son, les êtres vivants ne sont pas réellement ce qu'ilsparaissent être. On voit donc, comme le dit Montherlant, que le théâtre dans son ensemble « est un art essentiellement deconvention » et non pas seulement tel ou tel théâtre particulier comme le Nô japonais ou le théâtre français del'époque classique.

Il est vrai pourtant que ce dernier a cultivé de surcroît certaines conventions qui aujourd'hui nesont plus de mise dans la dramaturgie. Certaines étaient simplement destinées à faciliter la compréhension du spectateur, la règle des trois unités par. »

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