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LE PASTICHE (Histoire de la littérature)

Publié le 27/11/2018

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PASTICHE. Pastiche, plagiat, parodie : ces différentes pratiques textuelles ont été longtemps confondues dans une unanime réprobation. L’étymologie elle-même en dit déjà long : si la parodie bénéficie d’un nom grec relativement flatteur qui fait d’elle un « chant parallèle », le plagiat [voir Plagiat] est déshonoré par un nom qui l’assimile au délit de « détournement d’esclaves ou d’enfants » (en italien, le mot a conservé le sens général de « détournement de biens »). Quant au pastiche, si on en croit son étymon italien pasticcio, ce n'est qu’un vulgaire « pâté », innommable mélange de fragments hétéroclites frauduleusement assemblés. Quel besoin de distinguer avec rigueur ces « singeries », ces « larcins », ces « farces », à tous les sens du mot? Ne citons qu’un exemple — en plein XXe siècle — et qui est le fait d’un spécialiste : en 1924. Georges Maurevert, qui venait, l'année précédente, de publier le Livre des plagiats, écrit un recueil de pastiches, où l’on trouve notamment « Un soir de Noël au Calisaya », à la manière d'Oscar Wilde. Mais le titre qu’il donne à son ouvrage n’est autre que /’Affaire du grand plagiat. Quant à la distinction entre pastiche et parodie, Gérard Genette peut encore, en 1979, se plaindre légitimement que les deux notions, « fort différentes », soient « ’rop souvent confondues ou inexactement distinguées» {Introduction à l’architexte). Il est vrai qu’il ne pousse pas la témérité jusqu’à énoncer !’« exacte » distinction qui les sépare!

 

Osons cet effort de clarification, en partant de la très innocente (quoique parfois elle-même condamnée!) citation.

 

1 ) La citation consiste à insérer un texte dans un autre texte, en indiquant explicitement, par différents artifices typographiques — au premier rang desquels les fascinants guillemets —, les limites et l’origine du texte enchâssé. Surtout : en citant explicitement le nom de l’auteur de ce texte. Quoique limitée dans son extension par les lois relatives à la propriété littéraire (voir la formule qui accompagne le copyright des ouvrages publiés), la citation ne donne pas lieu à des appréciations nettement négatives. Il est cependant facile de repérer les indices qui montrent que la citation n’est pas placée sur le même plan que la « création originale ». Ne prenons qu’un exemple : l’éditeur des Essais de Montaigne pour la collection « 10/18 » a cru pouvoir supprimer la quasitotalité des innombrables citations (en quatre ou cinq langues!) qui en émaillent (en constituent?) le texte, « ne gardant que celles qui étaient indispensables à l’intelligence du contexte ». Aux yeux de cet éditeur, la citation n’a donc tout au plus qu’une fonction subalterne, auxiliaire : on peut la supprimer (sans même en signaler la

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« procédés, compte tenu de la différence des systèmes signifiants, tiennent plutôt de l'évocation référentielle ou de la transposition.

C'est ici le lieu de signaler que la notion de pastiche s'étend aussi au domaine de la produc­ tion musicale ou picturale.

Le premier emploi historique­ ment attesté du mot pastiche vise d'ailleurs, à la fin du xv1ne siècle, des « tableaux qui ne som ni des originaux ni des copies, mais des contrefaçons ».

2) Le nom du (des) pasticheur(s) est occulté.

Du même coup, le statut de pastiche n'est plus explicitement revendiqué.

Si les procédés restent identiques, l' inten­ tion est différente, et l'on s'achemine, par degrés, vers l'un des aspects de la pratique désignée (et condamnée) par les noms infamants de mystification ou de superche­ rie littéraire : il s'agit de faire lire le texte d'un auteur B (le pasticheur) comme s'il provenait d'un aureur A.

C'est le cas de la trop célèbre Chasse spirituelle, décrite à l'article MYSTIFICATION LITIÉRAIRE.

A peine moins célè­ bres, les Déliquescences, poèmes décadents d'Adoré Floupette ( 1885), reposent sur une machinerie légère­ ment différente.

Ce qui est pastiché, ici, ce n • est pas le texte d'un auteur spécifique, mais les particularités d'écriture de la poésie « décadente et symboliste », repé­ rées et imitées de façon très exacte, quoique fortement parodique.

Le nom de l'auteur, ADORÉ FLOUPETIE, est le pseudonyme collectif d'Henri Beauclair et Gabriel Vicaire.

A la surprise des deux pasticheurs, qui n'en attendaient pas tant, le minuscule recueil (dix-huit poè­ mes!) déclencha un flot d'articles, ainsi qu'une vaste querelle sur la poésie «décadente», les uns prenant feu et flamme en faveur de Floupette, les autres le traînant dans la boue [voir DÉCADENCE].

On l'a compris par ces descriptions: le pastiche est trop proche de ces pratiques à différents degrés «coupa­ bles >> que sont le plagiat, la pseudonymie, voire la mys­ tification, pour bénéficier d'une réputation sans tache.

Aussi est-il le plus souvent -aujourd'hui encore - traité en genre mineur, même par certains de ceux (à commencer par Proust) qui l'ont cultivé le plus assidûment.

BIBLIOGRAPHiE G.

Genene, PalimpsesTes, l'écrirure au second degré, Paris.

Le Seuil, 1982; J.

Milly, les Pasriches de Prousr, Paris, A.

Co lin .

1970.. »

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