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Selon J. FOURASTIÉ, dans notre « comportement quotidien », nous avons tendance à donner le pas à l'imaginaire sur le réel ». Considérez-vous d'une part que cette opinion est confirmée par votre expérience personnelle et d'autre part que cette attitude constituerait un handicap dans l'approche de la vie ?

Publié le 22/02/2012

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Introduction • Comportement quotidien manière au jour le jour de mener sa vie. • Pour FOURASTIÉ qui écrit en 1970, deux ans après les événements de 68, et dont la phrase fait allusion d'ailleurs directement aux adolescents [qui] sortent de nos écoles », la thèse est que l'imaginaire » prend le pas sur le réel » dans notre conduite courante de la vie. • Or il est demandé d'abord d'apprécier la véracité d'une telle affirmation... • ... puis d'évaluer le poids et l'avantage éventuels qu'apporteraient à la vie une démarche consistant à privilégier ou non l'imaginaire.

« • La vérité de l'art est particulière.

Elle brasse les données du quotidien, les remanie, les transpose.• Toute créature romanesque est d'un autre monde.• Le romancier qui veut faire vrai en effet ne fait ni vrai ni faux, sinon il est « chroniqueur du présent » comme lesGONCOURT.• Le romancier à part entière « fait » une vérité romanesque où le travail de l'imaginaire est essentiel.• Ainsi FLAUBERT part d'un fait divers authentique pour Madame Bovary.

Mais Emma est loin d'être une simpletranscription de Mme Delamare ; elle est aussi toutes les jeunes femmes déçues, perturbées par de mauvaiseslectures, elle est FLAUBERT lui-même, son admiration échevelée pour le romantisme lors de son adolescence, ce quiexplique la vigueur avec laquelle il brûle ce qu'il avait adoré ; elle est un phénomène d'époque, le bovarysme quis'élargit en phénomène universel.• On voit que la vie quotidienne de l'artiste est, en bonne partie, l'imaginaire.• Mais pour l'être moyen que nous sommes, qu'en est-il ?• Certes si nous nous laissons envahir par notre désir d'évasion ou par nos fantasmes, bref si l'imaginaire prend uneplace trop envahissante, il y a danger.• C'est ROUSSEAU dont les lectures prématurées, réalisées dans une atmosphère mal équilibrée, lui font perdresouvent le sens de la limite entre réel et romanesque.

Ses difficultés d'adaptation à la société trouvent là une partiede leur explication.• COLETTE, dans Sido, cite un exemple, celui de Juliette.

[sja soeur - aux longs - cheveux, incapable d'échapper aumonde hors de l'ordinaire de ses lectures romanesques permanentes.• Combien de cas semblables autour de nous, qui sans être un Don Quichotte ou une Emma Bovary, prennent lesmoulins à vent pour des chevaliers ou rêvent — toute nuance d'époque respectée — « de se marier à minuit, auxflambeaux » et de « savoir ce que l'on entendait au juste dans la vie par les mots de félicité, de passion et d'ivressequi lui avaient paru si beaux dans les livres ».• C'est alors déceptions, ennui, difficulté ou impossibilité de supporter les banalités quotidiennes, répétitives outernes, le heurt pénible avec les tracasseries matérielles ou avec le refus en général des faits ou des hommes à seplier à tous vos désirs.• Mais ce sont des cas extrêmes.

L'imagination, lorsqu'elle sait ne pas tout envahir, qu'elle laisse place au bon sens,au poids de la réalité honorablement respecté, n'est-elle pas plutôt un bien ?• Elle donne la force de supporter la vie grâce à ces valeurs de remplacement qu'elle apporte et aux envolées qu'ellereprésente alors, envolées dans les chimères...• Elle est fantaisie et création : c'est elle qui gratifie la vie de son aspect pétillant, celui du conte, del'improvisation, d'une coloration gaie ou lyrique au moindre événement.• Elle est dans toute cervelle d'enfant, qui compose mille histoires, et les joue, avec presque rien.

ROMAIN ROLLANDnous parle de Jean-Christophe, enfant pauvre, sans jouet, mais musicien en herbe, tenant dans ses jeux le rôle d'ungrand chef d'orchestre tandis que, dans la campagne pelée de son faubourg, les petites têtes des buissons,s'inclinant devant lui sous l'effet de la brise, représentent à ses yeux la foule qui le sacre et l'applaudit.• Imagination consolatrice, mais de plus apportant beauté et grandeur.

N'est-ce pas aussi l'imagination — et passeulement la connaissance musicale — qui enrobe et emporte celui qui écoute le deuxième mouvement du concertoL'Empereur de BEETHOVEN, même si elle est doublée par une juste appréciation des valeurs techniques ? • ANATOLE FRANCE évoque son exemple de jeune lycéen de troisième, enthousiasmé par la beauté des textesantiques qu'il travaille : les vers d'Homère le font rêver, au milieu des pages de son dictionnaire, à Ulysse voguantsur la mer violette ou à Andromaque pleurant le départ d'Hector en combat singulier contre Achille.

L'imagination del'adolescent transpose en images l'harmonie de la langue hellène.

De même il entend, en traduisant TITE LIVE, le pasdes légions vaincues piétinant autour de Trasimène, et son coeur se serre de tristesse.• Le sens de la beauté est atteint ainsi.• Dans la vie quotidienne, l'imagination est donc capable de provoquer l'ardeur, de transcender l'âme, d'éveiller enelle ce qui, chez l'homme, est grand et idéal. Conclusion • « Maîtresse d'erreur et de fausseté », disait PASCAL de l'imagination et il déplorait tous les leurres qu'elledéveloppe devant les yeux de l'homme, chassant de son esprit raison et lucidité.• Appliquée abusivement aux détails ou grandes lignes de la vie, elle peut être effectivement dangereuse.

Pourl'amoureux qui a paré celle qu'il aime d'un halo d'imaginaire, par exemple, le réveil est cruel et les conséquencespeuvent aller loin.• Mais, outre les consolations et transferts qu'elle apporte à chacun de nous, l'imagination renforce et complète lesélans, passions, enthousiasmes, émotions.• C'est l'imaginaire qui stimule la faculté d'évoquer, et c'est à elle que nous devons les images intenses et rares desgrands artistes et la possibilité pour le profane de les goûter et de les sentir.• La sagesse évidemment réclame équilibre entre imaginaire et raison, sens du réel.• Mais contrairement à l'opinion des censeurs sévères, austères, ne vaut-il pas mieux laisser à l'homme moyen cettebelle manière de colorer son quotidien, — que ce soit divertissement ou pas, dans le sens pascalien qui y voit actionnéfaste de l'imaginaire détournant l'homme d'une lucidité nécessaire (pense le philosophe chrétien) —.• Elle l'est sans doute pour l'homme réfléchi, suffisamment fort pour savoir « faire bien l'homme » (MoN-rmorvE).Mais pour tous les autres, n'est-ce pas un bon et beau soutien que ces échappées dans le monde de l'illusion, oùpour un temps tout s'accorde avec le coeur et les rêves, asile béni contre la grisaille quotidienne.... »

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