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TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique

Publié le 10/03/2011

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L'égalité suggère à l'esprit humain plusieurs idées qui ne lui seraient pas venues sans elle, et elle modifie presque toutes celles qu'il avait déjà. Je prends pour exemple l'idée de la perfectibilité humaine, parce qu'elle est une des principales que puisse concevoir l'intelligence et qu'elle constitue à elle seule une grande théorie philosophique dont les conséquences se font voir à chaque instant dans la pratique des affaires.    Bien que l'homme ressemble sur plusieurs points aux animaux, un trait n'est particulier qu'à lui seul : il se perfectionne, et eux ne se perfectionnent point. L'espèce humaine n'a pu manquer de découvrir dès l'origine cette différence. L'idée de la perfectibilité est donc aussi ancienne que le monde; l'égalité ne l'a point fait naître, mais elle lui donne un caractère nouveau.    Quand les citoyens sont classés suivant le rang, la profession, la naissance, et que tous sont contraints de suivre la voie à l'entrée de laquelle le hasard les a placés, chacun croit apercevoir de soi les dernières bornes de la puissance humaine, et nul ne cherche plus à lutter contre une destinée inévitable. Ce n'est pas que les peuples aristocratiques refusent absolument à l'homme la faculté de se perfectionner. Ils ne la jugent point indéfinie; ils conçoivent l'amélioration, non le changement; ils imaginent la condition des sociétés à venir meilleure, mais non point autre; et, tout en admettant que l'humanité a fait de grands progrès et qu'elle peut en faire quelques-uns encore, ils la renferment d'avance dans de certaines limites infranchissables.    Ils ne croient donc point être parvenus au souverain bien et à la vérité absolue (quel homme ou quel peuple a été assez insensé pour l'imaginer jamais?), mais ils aiment à se persuader qu'ils ont atteint à peu près le degré de grandeur et de savoir que comporte notre nature imparfaite; et, comme rien ne remue autour d'eux, ils se figurent volontiers que tout est à sa place. C'est alors que le législateur prétend promulguer des lois éternelles, que les peuples et les rois ne veulent élever que des monuments séculaires et que la génération présente se charge d'épargner aux générations futures le soin de régler leurs destinées.    A mesure que les castes disparaissent, que les classes se rapprochent, que, les hommes se mêlant tumultueusement, les usages, les coutumes, les lois varient, qu'il survient des faits nouveaux, que des vérités nouvelles sont mises en lumière, que d'anciennes opinions disparaissent et que d'autres prennent leur place, l'image d'une perfection idéale et toujours fugitive se présente à l'esprit humain.    De continuels changements se passent alors à chaque instant sous les yeux de chaque homme. Les uns empirent sa position, et il ne comprend que trop bien qu'un peuple, ou qu'un individu, quelque éclairé qu'il soit, n'est point infaillible. Les autres améliorent son sort, et il en conclut que l'homme, en général, est doué de la faculté indéfinie de perfectionner. Ses revers lui font voir que nul ne peut se flatter d'avoir découvert le bien absolu; ses succès l'enflamment à le poursuivre sans relâche. Ainsi, toujours cherchant, tombant, se redressant, souvent déçu, jamais découragé, il tend incessamment vers cette grandeur immense qu'il entrevoit confusément au bout de la longue carrière que l'humanité doit encore parcourir.    On ne saurait croire combien de faits découlent naturellement de cette théorie philosophique suivant laquelle l'homme est indéfiniment perfectible, et l'influence prodigieuse qu'elle exerce sur ceux mêmes qui, ne s'étant jamais occupés que d'agir et non de penser, semblent y conformer leurs actions sans la connaître.  Je rencontre un matelot américain, et je lui demande pourquoi les vaisseaux de son pays sont construits de manière à durer peu, et il me répond sans hésiter que l'art de la navigation fait chaque jour des progrès si rapides, que le plus beau navire deviendrait bientôt presque inutile s'il prolongeait son existence au-delà de quelques années.    Dans ces mots prononcés au hasard par un homme grossier et à propos d'un fait particulier, j'aperçois l'idée générale et systématique suivant laquelle un grand peuple conduit toutes choses.    Les nations aristocratiques sont naturellement portées à trop resserrer les limites de la perfectibilité humaine, et les nations démocratiques les étendent quelquefois outre mesure.  

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« Une telle conception ouvre donc bien des voies profitables.

Même l'homme moyen en tient compte inconsciemmentet en offre des témoignages quotidiens.

C'est qu'un peuple responsable conduit sa destinée, que sa vision soitrestrictive ou dynamique (selon sa conception politique). Perfectibilité humaine et progrès ? Introduction • Alternance des époques conservatrices ou progressistes. • Ainsi XVIe siècle, XVIIIe siècle croient au progrès, tandis que le XVIIe siècle est surtout universaliste etconservateur. • Bref : périodes optimistes et siècles pessimistes qui se succèdent présentent les deux grandes visions essentiellesde l'humanité sur son destin et ses possibilités de le conduire. • Que croire? dans l'absolu, et relativement à la période vécue. I.

Peut-on parler de progrès? Le progrès existe-t-il chez les hommes (dans les sociétés humaines). • Progrès réguliers depuis les débuts de l'humanité, dans les intentions, les idéaux, les objectifs, les réalisations... • ...

Depuis l'âge prométhéen (langage, outil, feu) jusqu'à l'âge scientifico-technique, préparé au Moyen Age,constitué spirituellement aux XVIIe (Descartes...) et XVIIIe siècles (les « philosophes », le «siècle des lumières»),développé aux XIXe et XXe siècles.

Cf.

les étapes du progrès dans Introduction à la Philosophie de Karl Jaspers. • Plusieurs domaines à envisager : - économique: progrès foudroyants grâce aux découvertes scientifiques, à leur application dans le quotidien (de lamachine à laver à la fusée interplanétaire); d'où hausse du niveau de vie, introduction et développement desloisirs... - politique : établissement de démocraties; tentative d'application du vieux rêve : liberté/égalité/fraternité.

- Essaid'instauration de vastes liens internationaux, de communautés de peuples (Europe...) et harmonisation dessociétés... - moral : établissement d'une morale indépendante des religions; affirmation de la tolérance, suppression de lacensure, des «lettres de cachet» - Réclamation du respect de la Personne humaine et des Droits de l'homme - Luttepour un statut d'égalité des femmes. - intellectuel : affirmation du développement d'un enseignement solide pour tous.

Égalité des femmes et des hommesdevant cet enseignement.

Vaste étendue des connaissances et leur continuelle extension. - scientifique : c'est le domaine le plus spectaculaire - Machinisme - Voitures - Avions - Téléphone - Électricité -Automatisation - Électronique - Chirurgie - Remèdes -longévité accrue - Radio-activité - fission de l'atome -antibiotiques...

on ne peut tout citer de ce qui transforme et améliore les conditions matérielles de l'existence et lechamp d'activité de la pensée. • Donc des espaces infinis s'ouvrent à l'homme et l'on ne peut contester son triomphe sur le plan matériel.Conquêtes et résultats indéniables. • S'il y a un tel progrès, c'est que la perfectibilité était certaine et pourtant... II.

Ces progrès permettent-ils d'être optimiste? • Les progrès réalisés ont longtemps soulevé l'enthousiasme : « Les vrais révolutionnaires, voyez-vous, les vraishommes d'action, ceux qui font pour demain le plus de vérité, le plus de justice, ce sont à coup sûr les savants »(Zola - Le travail -1901) • Désir et assurance de parvenir à la connaissance totale... • ...

mais ce développement incontestable des connaissances, et spectaculaire de leurs applications, n'est pastoujours suivi des effets escomptés. • Progrès au niveau du quotidien? : adoucissement certain de la vie matérielle et extension du confort, mais aussibesoins multipliés, d'où désirs inassouvis; tentations perpétuelles, d'où rancœurs; servitude, dessèchement, ennui.. »

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