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« Si la fausseté ne ressemblait pas la plupart du temps à s'y méprendre à la vérité, comment pourrait-elle être crue aussi facilement et avec autant d’opiniâtreté ? »

Publié le 04/03/2024

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« BCPST CORRIGÉ D.S.3 « Si la fausseté ne ressemblait pas la plupart du temps à s'y méprendre à la vérité, comment pourrait-elle être crue aussi facilement et avec autant d’opiniâtreté ? » Jacques Bouveresse, Peut-on ne pas croire ? Sur la vérité, la croyance et la foi, 2007 ANALYSE Thème : la confusion entre le vrai et le faux, l’être et le paraître.

Apparence et croyance. L’auteur entend dessiller notre regard en mettant en lumière le mécanisme d’adhésion à la fausseté. Analyse syntaxique / lexicale Question rhétorique qui propose une explication de la confusion fréquente entre le vrai et le faux, et de l’attachement manifesté par les hommes envers ce dernier.

Bouveresse, reprenant l’analyse de Musil sur l’intelligence et la bêtise, établit une comparaison avec la vérité et la fausseté : la fausseté n’exerce une attirance sur les hommes que parce qu’elle prend l’apparence de la vérité.

C’est le paraître (« ressemblait ») qui détermine la croyance (« être crue ») et les caractéristiques de celle-ci (cf « facilement » et « opiniâtreté ») - « à s’y méprendre » : au point de commettre une confusion entre deux choses à cause d'une trop grande ressemblance entre elles. - « la plupart du temps » introduit une précision en soulignant que c’est la fréquence qui constitue un facteur de la méprise commise par les individus : la répétition génère l’habitude et donc l’absence de suspicion. Bouveresse précise alors les modalités d’adhésion au faux qui en découlent : « aussi facilement » : aisément, sans obstacle, sans difficulté aucune. « autant d’opiniâtreté » : attachement obstiné à une ou à des opinions (connotation négative) / volonté tenace, détermination dans les idées ou le comportement > Non seulement l’homme embrasse la fausseté sans hésiter, mais il persiste dans cette erreur, refusant de douter de l’apparence à laquelle il souscrit. Enjeux : La fréquente imitation troublante du vrai par la fausseté génère une confusion, méprise entre les deux qui apparaissent identiques.

C’est la raison pour laquelle croire au faux serait extrêmement simple et que les individus persisteraient avec obstination dans cette croyance Limites : * « la plupart du temps » : le plus souvent, le faux ne se distingue-t-il pas du vrai ? * Le faux ressemble-t-il vraiment « à s’y méprendre » à la vérité ? N’existe-t-il pas toujours des indices permettant de l’identifier comme tel ? * Les hommes manifestent-ils vraiment de l’opiniâtreté ? * Croit-on aussi aisément que cela ? N’est-il pas au contraire difficile, pour le faux, d’être perçu comme la vérité ? * N’est-ce pas finalement parce que le faux se démarque du vrai que l’on y adhère ? Le faux serait plus agréable que l’aride vérité, laquelle peut être décevante et coercitive. * N’y aurait-il pas alors moins méprise que démarche consciente de recherche du faux ? N’y a-t-il cependant pas toujours un risque fondamental d’indistinction, même quand le processus est au départ conscient ? Problématique : INTERROGATION DIRECTE : Dans quelle mesure est-ce bien parce que le faux mime de façon récurrente et troublante le vrai qu’il peut si aisément susciter une adhésion obstinée ? INTERROGATION INDIRECTE : On peut se demander dans quelle mesure c’est bien parce que le faux mime de façon récurrente et troublante le vrai qu’il peut si aisément susciter une adhésion obstinée. Introduction Une légende, rapportée par Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle, atteste la capacité du « faire croire » du trompe l’œil : lors d’un concours, Zeuxis peint des raisins si vraisemblants que des oiseaux veulent les picorer.

Son concurrent victorieux, Parrhasios, trompe Zeuxis lui-même avec un rideau peint pris pour réel par le perdant.

Plus le faux paraît vrai, plus il est à même de duper.

C’est ce que semble de fait suggérer J.

Bouveresse dans son ouvrage Peut-on ne pas croire ? Sur la vérité, la croyance et la foi quand, sous la forme d’une question rhétorique à visée didactique, il déclare : « Si la fausseté ne ressemblait pas la plupart du temps à s'y méprendre à la vérité, comment pourrait-elle être crue aussi facilement et avec autant d’opiniâtreté ? » Selon lui, la « fausseté » ne suscite l’adhésion des hommes que parce qu’elle prend l’apparence de la vérité, comme l’indique l’emploi du verbe « ressembl[er] ».

Et c’est parce que cette similitude est fréquente (« la plupart du temps ») qu’il y a méprise : la confusion est générée par la répétition, laquelle provoque une absence de suspicion et une adhésion non seulement aisée (« facilement ») mais aussi tenace puisqu’il est question « d’opiniâtreté ».

Tel Zeuxis, les hommes ne doutent pas de l’apparence de ce qui leur est présenté et persévèrent dans leur erreur.

Ce principe d’adhésion à la fausseté est-il si évident, immédiat et puissant que cela ? En nous appuyant sur Les Liaisons dangereuses de Laclos, Lorenzaccio de Musset et les deux articles d’Hannah Arendt, « Vérité et politique » et « Du mensonge en politique » nous pouvons ainsi nous demander dans quelle mesure c’est bien parce que le faux mime de façon récurrente et troublante le vrai qu’il peut si aisément susciter une adhésion obstinée.

On constate en effet dans nos textes combien le faux, quand il est régulièrement similaire au vrai, génère aisément une croyance tenace.

Les auteurs soulignent cependant combien un tel mimétisme peine parfois à se déployer et combien crédulité et constance dans l’erreur sont à relativiser.

Ils vont en réalité jusqu’à envisager qu’il peut y avoir une recherche du faux, dans la vie comme à travers la fiction, tout en nous invitant à prendre conscience de la dangerosité d’une similitude qui, même recherchée, deviendrait indistinction. Plan : 1- Certes, la capacité du faux à prendre fréquemment l’apparence de la vérité semble bien, de prime abord, expliquer la raison pour laquelle l’homme y adhère si facilement et persiste avec obstination dans cette erreur. 11- En effet, la fausseté est souvent vraisemblable et elle présente, « la plupart du temps », toutes les apparences de la vérité à laquelle elle ressemble « à s’y méprendre » * Arendt : Dans « Vérité et politique », Hannah Arendt compare la puissance de persuasion du diseur de vérité et celle du menteur, soulignant que la contingence des faits, ôtant à ceux-ci toute plausibilité, donne l’avantage au menteur qui modèle ses « faits » en tenant compte des désirs et aspirations de son public.

Arendt affirme ainsi qu’« il aura même, en général, la vraisemblance de son côté ».

Le mensonge supplante dès lors la vérité, dont l’authenticité est mise en doute au profit de la construction mensongère.

Arendt illustre d’ailleurs cette idée en mentionnant les villages Potemkine, construits par le général Potemkine pour dissimuler à Catherine II la pauvreté de ses sujets, et atteignant la « perfection du trompe-l’œil » : le terme même de « trompe-l’œil », appartenant au lexique de l’art et désignant l’illusion de la réalité créée par le peintre, souligne la puissance mystificatrice du faux qui contrefait la réalité. * Laclos : C’est cette exigence de la vraisemblance, passant par une attention méticuleuse portée aux détails, que Valmont énonce, dans un passage très didactique de la lettre LXXXIV, dans laquelle il expose les différentes consignes que Cécile doit suivre afin de subtiliser la clé de sa chambre à sa mère le temps qu’en soit réalisé un double.

Identifiant les indices que pourrait laisser derrière elle la jeune fille et donc les dangers encourus, il lui enjoint d’anticiper toutes les questions et remarques susceptibles de lui être adressées, notamment concernant les taches qu’aurait pu laisser l’huile utilisée pour graisser la serrure.

Ainsi lui explique-t-il : « vous sentez qu’il ne serait pas vraisemblable que vous eussiez été témoin de ce tracas sans en demander la cause.

Ce sont ces petits détails qui donnent la vraisemblance.

» (278) L’efficacité, voire la perfection du mensonge qui en vient à rivaliser avec la vérité, découle précisément de ces menus détails qui en fondent la cohérence et lui donnent sa consistance. * Lorenzaccio : Ce sont précisément tous ces détails que Lorenzo identifie afin de façonner l’image la plus fidèle possible du libertin débauché qu’Alexandre acceptera auprès de lui.

Masque, vêtement, rôle, le lexique du théâtre convoqué par le personnage témoigne de l’apparence qu’il s’efforce de construire afin de mimer la réalité du vice.

Dans le monologue de la scène 4 de l’acte IV, Lorenzo, déplorant la dépravation de la société florentine dont la corruption touche même « les enfants qui sortent du collège », décrit les individus se ruant « dans les tavernes avec des lèvres affamées de débauche » qu’il a imités en prenant « un masque pareil à leurs visages » (166). L’adjectif « pareil » témoigne ici de la ressemblance plus ou moins totale que le jeune homme est parvenu à créer entre le visage des débauchés et l’apparence que lui-même adopte pour duper Alexandre et l’ensemble de la société florentine : il s’agit bien de mimer la réalité « à s’y méprendre »..... »

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