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Alexis de TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique

Publié le 27/02/2008

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Il faut reconnaître que l'égalité, qui introduit de grands biens dans le monde, suggère cependant aux hommes des instincts fort dangereux ; elle tend à les isoler les uns des autres, pour porter chacun d'eux à ne s'occuper que de lui seul. Elle ouvre démesurément leur âme à l'amour des jouissances matérielles. Le plus grand avantage des religions est d'inspirer des instincts tout contraires. Il n'y a point de religion qui ne place l'objet des désirs de l'homme au-delà et au-dessus des biens de la terre, et qui n'élève naturellement son âme vers des régions fort supérieures à celles des sens. Il n'y en a point non plus qui n'impose à chacun des devoirs quelconques envers l'espèce humaine, ou en commun avec elle, et qui ne le tire ainsi, de temps à autre, de la contemplation de lui-même. Ceci se rencontre dans les religions les plus fausses et les plus dangereuses. Les peuples religieux sont donc naturellement forts précisément à l'endroit où les peuples démocratiques sont faibles ; ce qui fait bien voir de quelle importance il est que les hommes gardent leur religion en devenant égaux. Alexis de TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique

Le XIXe siècle est le siècle du changement social. Tous les grands penseurs de la période ont cherché à donner un sens à ces deux grands événements que constituent la révolution française et la révolution industrielle. Tocqueville ne se distingue donc pas de Marx, Comte et Durkheim par son objet d'étude, la modernité, mais par l'interprétation qu'il propose. Ce qu'il constate et tente d'expliquer, c'est le passage de la société aristocratique à la société démocratique. La démocratie, pour A. de Tocqueville, n'est pas réductible à un système politique (souveraineté du peuple et État de droit). C'est bien plus que cela: un État social. Aussi, le passage de l'aristocratie à la démocratie ne constitue pas un simple changement de régime, mais une transformation en profondeur de l'organisation sociale. A l'époque du philosophe, le pays des Etats-Unis a été fondé de manière assez récente. Il décide donc de partir pour étudier le fonctionnement et l'histoire de l'Amérique. De plus, les Etats-Unis sont l'une des premières démocraties et cela permet à Tocqueville de réfléchir sur les avantages et les inconvénients de ce régime. Bien que venant lui-même d'une famille aristocratique, Alexis de Tocqueville essaie d'analyser objectivement les caractérisques de la démocratie : selon lui, ce qui est à la base du système démocratique, c'est bien l'égalité des citoyens. L'égalité se définit comme le fait de ne pas présenter de différences. En politique, cela désigne le fait que les mêmes droits s'appliquent à tous et qu'il n'y a pas de discrimination sur la base financière, sociale ou autre,... Tocqueville met en évidence les mesures concrètes qui permettent d'assurer cette égalité : le droit sur les successions, l'implication de tous dans les organisations étatiques,... Il s'interroge aussi sur les limites et les risques du système démocratique. Il identifie par exemple la recherche de bonheur comme menant à une possible tyrannie : le désintéressement des hommes pour la politique reviendrait à laisser tous les pouvoirs à l'état. Dans le présent texte, il s'interroge sur les inconvénients de l'égalité, caractéristique de la démocratie. Il en a déjà étudié les avantages comme le montre l'évocation rapide à la première phrase aux « grands biens dans le monde «. Pourquoi l'égalité peut-elle être un danger pour la démocratie ? Quelles conséquences peut-elle entraîner dans nos liens avec autrui ? Comment remédier à ces inconvénients ? Tocqueville fait dans une deuxième partie du texte référence à la religion. Quels sont les effets de la religion sur la société ? En quoi pourraient-ils agir sur les liens entre les hommes?

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« « ouvre démesurément l'âme à l'amour des jouissances matérielles ».

Il n'y a plus d'obstacle pour que chacunaccède à des conditions de vie meilleures.

C'est d'ailleurs tout le rêve américain qui transparaît tellement dans lesproductions actuelles hollywoodiennes : tout le monde, même l'homme de la rue peut réussir aux Etats-Unis.

De fait,tout le monde va essayer de réussir et de bien gagner sa vie. Mais, la conséquence, c'est que les hommes n'ayant plus qu'à s'occuper de leur bonheur privé, n'ayant plus besoindes autres pour y parvenir, se détachent de la communauté.

L'égalité conduit à s'occuper de petits plaisirs, auconfort matériel.

Mais de fait, l'homme est indifférent de ceux qui croisent dans leur vie de tous les jours.

Ilconsidère simplement comme communauté ceux dont le bonheur est important au leur : la famille, les amisproches,...

Le reste des hommes n'existent même plus pour eux et c'est en ce sens que Tocqueville affirme quechacun tend à s'isoler. Et se désintéressent des affaires publiques et du bien commun 3. Mais de fait, si les hommes ne voient plus les liens qu'ils entretiennent avec les autres, c'est ce qui fonde la sociétémême qui paraît en danger.

Il faut bien voir en effet que la société se fonde sur le besoin qui rapprochent lesdifférents êtres.

Platon remarquait déjà lui-même, dans La république que « la cité se forme parce que chacun de nous se trouve dans la situation de manquer de beaucoup de choses.

» Dans la société démocratique, chacun aencore besoin du produit des autres mais le travail n'est plus conçu comme un partage de produits.

Chacun travaillepour le salaire qui lui permettra de satisfaire ses besoins et ses plaisirs matériels. Dès lors, la conduite politique de la société, les directions à prendre pour assurer le bien commun ne constituentplus la principale préoccupation.

La recherche de son propre contentement éloigne les hommes du gouvernement etconduit au désinvestissement de la vie publique.

La description de Tocqueville correspond assez bien àl'individualisme moderne, qui ne voit plus les individus qui l'entourent à partir du moment où ils ne sont pas dans lecercle de ses connaissances.

Chacun lutte quand sa situation est en jeu, non pas comme c'est le bien commun quiest menacé. Les hommes, au nom de l'égalité et de la recherche individuelle du bien-être matériel, se replient sur leur sphère privée.

Ils abandonnent la vie collective à l'État qui étendra son pouvoir et limitera la liberté de chacun. II La religion lie les hommes Un idéal supra-terrestre 1. Dans un deuxième temps, Alexis de Tocqueville s'intéresse au principe religieux et à son effet sur la conduite dessociétés et le comportement des hommes les uns avec les autres.

Il annonce tout de suite que la religion prône« des instincts contraires » à ceux que nous venons de voir : la recherche de bien matériel, la distension des liens.Le texte se construit donc sur une opposition assez nette. Le premier principe qu'il relève est l'existence pour les religieux d'un autre monde, d'un monde transcendant aunotre.

L'étymologie même du terme « religion » est souvent interprétée comme lien avec le divin, avec letranscendant.

Le mot latin religare signifie relier. Il est vrai que dans la religion catholique par exemple, il y a la promesse d'un paradis transcendant qui attend ceux qui ont été fidèles.

Mais de plus, le Dieu dans la plupart desreligions se trouve extérieur à notre monde et de fait, le monde dans lequel nous vivons n'est ni le principal ni le plusimportant.

Notre passage sur la terre n'a de sens que par rapport à cet autre monde divin.

L'objet du désir deshommes religieux se résident pas nous dit Tocqueville, dans notre monde et comprenons dans nos plaisirs etpossessions matériels.

Ces derniers sont d'ailleurs dépréciés et chaque religieux vise à rejoindre, à correspondre à cemonde supra-sensible.

Il n'y a donc pas recherche effrénée de plaisirs matériels.

Il y a dévalorisation des « sens » etrecherche spirituelle.

L'idéal des hommes ne s'incarnent pas dans le matérialisme. L'obligation d'une bienveillance avec autrui 2. De plus, nous dit Tocqueville, la religion possède toujours une sorte de morale qui indique aux croyants commentagir.

Ainsi, la religion chrétienne se fonde sur les dix commandements et contient une obligation de secours à sonprochain.

C'est d'ailleurs cette même moralité, ces dogmes religieux qui avaient amené Nietzsche à remettre encause les religions.

Tocqueville lui y voit la source de bienfaits : la religion m'oblige à prendre en compte mon« prochain », celui qui vit à côté de moi parce qu'il fait partie de la communauté des hommes crée par Dieu.D'ailleurs, pour Durkheim la religion « est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des chosessacrées[...] qui unissent en une même communauté.

» Il y a donc la création d'une communauté.

Il y a surtout un« devoir envers l'espèce ».

La religion oblige donc l'individu à s'arracher à la recherche de son bonheur privé, à laprise en compte de son simple être.

Ce qui transparaît à travers la phrase de Tocqueville : la religion « le tire ainsi,de temps à autre, de la contemplation de lui-même ».

La religion fait éclater l'individualisme de chacun pour lerattacher à l'espèce humaine en entier.

On voit donc que les effets de la religion sont complètement opposées àl'excès d'égalité.

Tocqueville n'attribue pas ces effets à une ou des religions particulières mais à l'essence même du. »

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