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Descartes, Règles pour la direction de l'esprit, troisième règle

Publié le 11/04/2012

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descartes

Mais, alors même qu'ils1 seraient tous francs et sans détour, qu'ils ne nous assèneraient jamais une chose douteuse comme si elle était vraie, et qu'ils exposeraient toutes choses avec une entière bonne foi, nous ne saurions cependant jamais lequel il faudrait croire, puisqu'il n'y a presque rien qui n'ait été dit par l'un et dont le contraire n'ait été affirmé par quelque autre. Et il ne serait d'aucun profit de compter les voix, pour suivre l'opinion qui a le plus de répondants : car, lorsqu'il s'agit d'une question difficile, il est plus vraisemblable qu'il s'en soit trouvé peu, et non beaucoup, pour découvrir la vérité à son sujet. Mais quand bien même ils seraient tous d'accord, leur enseignement ne serait pas encore suffisant: car jamais, par exemple, nous ne deviendrons mathématiciens, même en connaissant par coeur toutes les démonstrations des autres, si notre esprit n'est pas en même temps capable de résoudre n'importe quel problème; et nous ne deviendrons jamais philosophes, si nous avons lu tous les raisonnements de Platon et d'Aristote, et que nous sommes incapables de porter un jugement assuré sur les sujets qu'on nous propose ; dans ce cas, en effet, ce ne sont point des sciences que nous aurions apprises, semble-t-il, mais de l'histoire.

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« compter les voix, pour suivre l'opinion qui a le plus de répondants : car, lorsqu ' il s'agit d'une question difficile, il est plus vraisemblable qu' il s'en soit trouvé peu, et non beaucoup, pour découvrir la vérité à son sujet.

Mais quand bien même ils seraient tous d'accord, leur enseignement ne serait pas encore suffisant: car jamais, par exemple , nous ne deviendrons mathématiciens, même en connaissant par cœur toutes les démonstrations des autres, si notre esprit n'est pas en même temps capable de résoudre n'importe quel problème; et nous ne deviendrons jamais phi­ losophes, si nous avons lu tous les raisonnements de Platon et d'Aristote, et que nous sommes incapables de porter un jugement assuré sur les sujets qu'on nous propose ; dans ce cas, en effet, ce ne sont point des sciences que nous aurions apprises, semble-t- il, mais de l'histoire .» Philosopher soi-même, en réfléchissant sur les «sujets qu 'on nous propose » -ou que la vie nous conduit à prendre en compte.

Une telle tâche ne peut se réduire au fait de prendre connaissance de ce qu'ont dit les auteurs anciens, ni à dresser le catalogue des opinions réelles ou possibles, ni non plus à retenir la conception la plus souvent défendue - (« compter les voix »).

Une relation purement érudite aux œuvres du passé serait inutile.

Elle n'exercerait en fait que la mémoire, non la capacité personnelle de jugement.

Les idées ne sont pas des choses que l'on ingur­ gite, et qui seraient sans effet sur la conscience pensante qui les accueille : elles nourrissent la pensée, l'accroissent et l'enrichissent.

Texte essentiel pour rappeler le sens de la lecture philosophique des textes philosophiques.

On peut le mettre en relation avec un texte de Kant qui, dans !'«Architectonique de la raison pure » (à la fin de la Critique de la raison pure), ainsi que dans La Logique, développe une conception simi­ laire.

Kant distingue «apprendre les philosophies », ce qui peut se faire par mémorisation de thèses traitées comme des faits (cognitio ex datis : connaissances à partir de faits) et apprendre à philosopher, ce qui requiert une activité personnelle de la raison.

En France, l'enseignement philosophique illustre la distinction faite par Descartes et Kant, puisqu'il vise à faire philosopher ceux auxquels il s'adresse, non à leur faire apprendre des doctrines traitées comme des choses et mémorisées dans un catalogue d'histoire des idées.. »

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