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Les critères de la volonté.

Publié le 15/06/2009

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Depuis de longues années, la formation de la jeunesse française était essentiellement intellectualiste. Faire acquérir de nombreuses connaissances; en même temps développer l'intelligence sous ses diverses formes : tel était le but essentiel sinon unique des services publics d'éducation, qui portaient il y a peu de temps encore le titre significatif de Ministère de l'Instruction publique. La substitution à ce titre de celui d'Éducation nationale témoignait du moins qu'on avait pris conscience en haut lieu de l'insuffisance d'une formation purement intellectuelle et de la nécessité d'éduquer les enfants tout en les instruisant, ou même avant de les instruire. L'éducation nouvelle veut être complète. Elle vise au développement de l'esprit, à la culture du sentiment comme à la culture de l'intelligence. Elle tend surtout au développement de la volonté par la pratique des exercices physiques et l'importance accordée à la formation morale. Mais la volonté se présente sous des formes assez diverses. De même que toutes les vertus ont leur contrefaçon, de même il est de fausses volontés. Tâchons de déterminer les conditions de la véritable volonté, les critères ou ]es signes auxquels nous la reconnaîtrons.

« ait une solution ne présentant que des avantages.

Souvent les avantages et les inconvénients respectifs qu'offrentdeux solutions opposées s'équivalent presque : sinon comment expliquer la diversité des avis ? Or, il est des espritsqui, une fois leur décision prise, sentent avec une vivacité toute nouvelle les conséquences fâcheuses qu'elleentraîne et se prennent à regretter de n'avoir pas opté pour le parti contraire, qui leur paraît alors bien plusavantageux.DESCARTES, dans le Discours de la méthode, nous donne des directives d'une haute sagesse : si, dans la viepratique, il est souvent nécessaire de se décider sur de simples probabilités, une fois la décision prise, il faut s'ytenir avec autant de fidélité que si elle était certainement la meilleure.

Mais il est besoin d'une volonté énergiquepour dominer la crainte d'avoir fait un mauvais choix et repousser la tentation d'adopter la solution contraire.

Celuiqui se maintient fermement dans la ligne qu'il s'est fixée montre qu'il a de la volonté.Cependant il ne faut pas se laisser tromper aux apparences : la fidélité à ses décisions est parfois le signe d'uneabsence de vraie volonté.De Pierre, ses parents disent qu'il est « volontaire ».

Il est habituellement calme, doux, presque passif; mais quand ila pris une décision ou arrêté son jugement, rien ne pourrait l'en faire démordre .Il est vain de discuter avec lui, de le« raisonner » : il reste fermé aux raisons les plus claires et les plus fortes; on dirait qu'il ne comprend pas ou qu'il estdéterminé par des motifs cachés d'une extrême gravité; les appels au sentiment restent sans écho; que si l'on veutuser d'autorité, le menacer de représailles, il met sa fierté à tout souffrir plutôt que de revenir en arrière.Appliqué à ce garçon le terme de volontaire n'est qu'un euphémisme charitable ou trompeur : c'est têtu qui est leterme propre.Dans l'obstination du têtu, il y a bien quelque chose de la volonté : la fermeté et la constance.

Mais chez lui ladécision suspend l'exercice de la raison, condition essentielle de l'acte volontaire.

Il n 'y a, en effet, volition ou actevolontaire, que lorsque nous nous déterminons rationnellement, en nous adaptant aux circonstances, en ordonnantles moyens aux fins.

Si les circonstances deviennent tout à fait différentes, ou même si on est amené par d'autres àdes considérations importantes qui avaient échappé, il est du rôle de la volonté de réformer la décision première.Quand on n'a pour ultime raison de maintenir sa décision que le fait de l'avoir prise, on ressemble à celui qui dit : jeveux parce que je veux.Un acte qui n'a pas de raison n'est pas un acte volontaire.

Le têtu n'est qu'une caricature du volontaire. *** Dernier critère de la volonté : l'énergie dans l'exécution.A en croire certains psychologues, l'essentiel de l'acte volontaire serait la décision.

De la décision, l'exécutionsuivrait d'elle-même, sans l'intervention de la volonté.Cette conception est bien discutable.

Sans doute, une décision véritable est un acte de volonté, et même, si l'onveut, l'acte essentiel de la volonté.

Mais la volonté n'a pas fini son rôle une fois la décision prise et, de plus, cen'est pas la décision qui constitue le critère le plus sûr de la volonté.Tout n'est pas fini quand on a décidé quel parti on prendra; car, sauf le cas relativement rare d'une exécutionimmédiate, il faut maintenir sa décision, rejeter les suggestions qui lui sont contraires et lutter contre la tentation derevenir sur son choix : le maintien de la décision prise exige une tension continue de la volonté.

D'autre part, unerésolution dont l'exécution est différée reste le plus souvent plus ou moins conditionnelle.

Supposons, par exemple,que j'aie pris la résolution de commencer mon devoir dès mon arrivée à la maison, je sous-entends inconsciemmentcette condition : à moins qu'il ne se passe quelque événement extraordinaire; si je trouvais ma mère à l'agonie oumon père revenu à l'improviste de captivité, je ne croirais pas, en restant auprès d'eux, manquer à l'engagementpris.

Il y a donc, au moment de l'exécution, une nouvelle délibération, rapide et souvent inconsciente, mais parfoistrès nette : je constate qu'aucune circonstance particulière ne justifie une exception à la règle que je me suisimposée; en conséquence, je me décide à appliquer cette règle et je me mets au travail.

L'exécution est le signeque j'ai effectivement voulu, non seulement au cours de la délibération qui l'a précédée immédiatement, mais encorelors de la première décision, quand j'ai pris la résolution de me mettre au travail dès mon arrivée à la maison.En effet, le seul moyen sûr de vérifier qu'une résolution a été réellement prise est d'observer si elle a étéeffectivement tenue.

Nous le savons, l'introspection est fort difficile et elle est sujette à de fréquentes illusions.Bien souvent nous prenons pour une résolution la simple idée de prendre une résolution.

Les imaginatifs, enparticulier, rêvent du bonheur dont ils jouiront quand ils auront consenti l'effort ou le sacrifice qui conditionnent saconquête, et ils croient le sacrifice déjà fait.

Que d'élèves, en octobre, rentrent au collège se croyant sincèrementdécidés à travailler de toutes leurs forces : on a tant fait miroiter à leurs yeux durant les vacances les avantages etles joies du succès qui récompense le travail ! Mais ils débutent avec mollesse, se donnant pour excuse qu'ils nesont pas encore en train.

Ensuite, ils prétendront qu'ils ont trop de travail.

Le moindre prétexte sera saisi pour sedispenser d'un devoir ou d'une leçon.

Bref, ils continueront de mériter leur réputation de paresseux.

C'est l'exécutionqui reste le critère de la décision et de la volonté.On appelle velléités ces volitions qui s'esquissent, prennent corps dans l'imagination, suscitent de vifs désirs, maisne parviennent jamais à l'acte.

De ces velléitaires, on dit qu'ils ont de bonnes intentions : et, de fait, tout se passechez eux dans l'intention, dans le rêve et ils ne font des merveilles qu'en rêve.

On leur reconnaît aussi la bonnevolonté : certes, ils ne veulent pas le mal, ils souhaitent de tout coeur de voir leur idéal se réaliser.

Mais, malgrétoutes leurs bonnes intentions et leur bonne volonté, ils ne font rien, car ils n'ont pas le vraie volonté qui exécute *** Esprit de décision, constance, exécution énergique : voilà quelques critères de la volonté.

Mais, nous avons eu soinde la souligner, la volition est un phénomène bien complexe et exige le concours des autres facultés, et enparticulier de la raison.

Elle suppose, en effet, avec l'énergie nécessaire à la décision et à l'exécution, la souplesse. »

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