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L'expérience de la beauté passe-t-elle nécessairement par l'oeuvre d'art ?

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

La beauté artistique, beauté spirituelle, est l'authentique saisie, par opposition aux beautés naturelles. N'est-ce pas, au fond, ce que sous une autre forme, nous disait Hegel, pour qui le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature ? Si la beauté artistique est infiniment élevée, alors c'est par l'oeuvre d'art qu'il faut nécessairement passer : elle forme le moyen terme nécessaire pour accéder à ce type privilégié d'expérience. Certes, il y a une beauté de la vie et de la nature, mais elle est d'une qualité très inférieure. La splendeur réelle de la beauté exige la rencontre du tableau ou de la mélodie, de la sculpture ou de la poésie. Il faut accéder à l'oeuvre d'art pour concevoir une perfection esthétique, pour rencontrer le principe d'une authentique satisfaction. « Autant l'esprit et ses créations sont plus élevés que la nature et ses manifestations, autant le beau artistique est lui aussi plus élevé que la beauté de la nature. Même, abstraction faite du contenu, une mauvaise idée, comme il nous en passe par la tête, est plus élevée que n'importe quel produit naturel ; car en une telle idée sont présents toujours l'esprit et la liberté. « (Hegel, Esthétique). Pour Hegel, l'expérience de la beauté passe nécessairement par l'oeuvre d'art, issue de l'esprit, du génie humains.

• Termes de l'intitulé.

-    expérience (du latin experientia, expérience, et de experiri, éprouver) : appréhension (plus ou moins immédiate) du réel. -    beauté (du latin bellus, joli, charmant) : qualité ou caractère de ce qui est beau. - nécessairement : à coup sûr, inévitablement ; ici, le sens courant l'emporte. - oeuvre d'art : ensemble organisé de signes et de matériaux, mis en forme par un esprit créateur, ensemble dont la beauté, l'harmonie nous procurent une satisfaction désintéressée. Toute production témoignant d'un style et pouvant prétendre à la pérennité.

 

 

« N'est-ce pas, au fond, ce que sous une autre forme, nous disait Hegel, pour qui le beau artistique est plus élevé quele beau dans la nature ? Si la beauté artistique est infiniment élevée, alors c'est par l'oeuvre d'art qu'il fautnécessairement passer : elle forme le moyen terme nécessaire pour accéder à ce type privilégié d'expérience.Certes, il y a une beauté de la vie et de la nature, mais elle est d'une qualité très inférieure.

La splendeur réelle dela beauté exige la rencontre du tableau ou de la mélodie, de la sculpture ou de la poésie.

Il faut accéder à l'oeuvred'art pour concevoir une perfection esthétique, pour rencontrer le principe d'une authentique satisfaction.

« Autantl'esprit et ses créations sont plus élevés que la nature et ses manifestations, autant le beau artistique est lui aussiplus élevé que la beauté de la nature.

Même, abstraction faite du contenu, une mauvaise idée, comme il nous enpasse par la tête, est plus élevée que n'importe quel produit naturel ; car en une telle idée sont présents toujoursl'esprit et la liberté.

» (Hegel, Esthétique.

Textes choisis, PUF, p.

11). Hegel rompt avec Kant, pour qui la beauté naturelle tient une large part.

Lacontemplation de la belle nature accordemystérieusement l'imagination et l'entendement.

Hegel rejette la beauténaturelle, car la beauté artistique étant un produit de l'esprit lui estnécessairement supérieure.

C'est pour nous et non en soi et pour soi qu'unêtre naturel peut être beau.

L'imitation de la nature n'est donc pas de l'art,tout au plus un exercice d'habileté, par lequel on imite le Créateur.

Il y a plusde plaisir à fabriquer des outils ou des machines qu'à peindre un coucher desoleil.

La valeur de l'art est tout autre : c'est l'esprit à l'oeuvre, qui s'arrachede la nature en la niant.

Au moyen de l'art, l'homme se sépare de la nature etse pose comme distinct.

L'art peut donc faire l'objet d'une science, penseHegel, il suffit d'en montrer la nécessité rationnelle dans l'histoire del'humanité.

L'oeuvre d'art ne décrit pas une réalité donnée, elle n'est pas faitepour notre plaisir, mais l'art est en son essence une intériorité qui cherche às'exprimer, à se manifester ; c'est un contenu qui cherche une forme, un sensqui veut se rendre matériel.

On ne peut le condamner pour son apparence,car il faut bien à la vérité une manière de se montrer.

L'art étanthistoriquement la première incarnation de l'esprit, il se confond d'abord à lareligion : la religion grecque est l'art grec lui-même.

Ce sont Homère etHésiode qui ont inventé les dieux grecs.

Cet âge d'or de l'art, que Hegeldéfinit comme "classique", sera dépassé par l'art romantique avec l'apparitiondu christianisme.

La religion chrétienne est essentiellement anthropomorphique : le divin est le Christ, soit une pure individualité charnelle, qui a souffert et qui est morte encroix.

Seul l'art peut ici donner une représentation charnelle de ce divin, dont le passage historique a été fugitif, etsi l'art est mort dans notre société moderne, c'est probablement pour la raison que la spiritualité chrétienne ne suffitplus tout à fait aux besoins de l'esprit. Le beau est une idée, soit l'unité d'un concept et de la réalité.

Le concept est l'âme tandis que la réalité en estl'enveloppe charnelle.

Le beau est donc la manifestation sensible de cette unité ; il exprime une réconciliation.

Il estnaturel qu'il échappe à l'entendement qui sépare et qui divise, de même qu'à la volonté qui cherche à soumettrel'objet à ses propres intérêts.

Tout ce qui est libre, indépendant, infini, conforme à la seule nécessité de sonconcept, peut être dit beau.

De plus, un bel objet est vrai, puisqu'il est conforme à son être.

Cela implique qu'aucunorganisme vivant ne pourra être beau, parce que soumis au besoin, il n'a pas de véritable liberté.

Seule la beautéartistique peut être accomplie : elle représente l'idéal.

L'idéal est soustrait de la vie quotidienne imparfaite etinauthentique.

Il incarne l'universel dans l'individualité absolument libre et sereine : le symbole en est l'individualitéapollinienne, perfection d'harmonie et de forme, sérénité conquise sur la douleur.

En un sens, cette beauté idéaleest hors du temps et de l'histoire, symbole de l'éternité.

Si cet idéal de beauté est désormais révolu, alors qu'ilculminait dans l'art grec, c'est que l'organisation sociale et la production économique sont devenues prévalentes,soudant les individus dans des rapports de besoin, d'échange et de travail complexes et étroits.

L'Idéal ne peut pluss'incarner dans l'art, il s'est incarné dans l'État et la politique à la fin du xixe siècle et au cours du xxe siècle.

Onpeut toutefois remarquer qu'à notre époque présente, ces deux formations ne semblent plus animées par lesaspirations spirituelles les plus hautes des individus et de la collectivité.

Nous vivons dans l'ère du nihilisme queNietzsche avait diagnostiquée à la fin du xixe siècle. Tout n'est pas faux en cette thèse.

L'expérience de la beauté semble bel et bien nous conduire à privilégier l'oeuvred'art.

Quand j'écoute les sombres accords de l'ouverture de Don Giovanni, du Don Juan de Mozart, il semble bienqu'une expérience irréductible se donne à moi : une splendeur spécifique, un éclat lié à l'esprit, qui ne se manifesteque dans l'oeuvre d'art.

De même, dans la peinture baroque, dans la cathédrale gothique et dans tant d'autresoeuvres d'art, un privilège paraît se manifester : l'esprit se déploie dans sa grandeur, infiniment supérieur, semble-t-il, à la beauté des fleurs sauvages.Toutefois, cette perspective, pour intéressante qu'elle soit, n'en apparaît pas moins restrictive et partielle.L'expérience de la beauté ne passe-t-elle pas aussi par la contemplation de la nature ? Ne nous faut-il pas élargir lasaisie de la splendeur et de la juste proportion ? Certes l'art semble triompher par rapport au côté caduc etpérissable de la vie et de la nature ; mais ces dernières peuvent-elles bien être écartées ?. »

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