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PEUT-ON DETESTER LA SCIENCE ?

Publié le 20/09/2011

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Détester, c’est vouer une aversion active à un objet en raison des défauts qu’on lui trouve. C’est plus qu’une répugnance, une simple a-version ou un désamour, le fait de négliger ou de se détourner. La détestation, comme haine, peut être de répulsion mais aussi de destruction. Et cet affect répond à un événement analogue. La science, comme entreprise de vérité et souci (peut-être naïf) du bonheur ne peut que susciter amour et enthousiasme ; en tant qu’activité sociale (si elle respecte les quatre normes de Merton), elle reste un lieu d’autonomie et de souci éthique. Pourquoi haïr la science ? Il faut chercher ce que la science a refusé et ce que la science a détruit pour comprendre la passion négative que certains lui vouent ; ce que la science a récusé, ce que la science a démoli. N’est-ce pas le désenchantement du monde et la destruction des hommes qui sont ici en cause, imputés directement à la science, en tant que science ?

« D'après les chercheurs, les scientifiques ne sont plus pour les jeunes « ces héros qui faisaient de grandesdécouvertes » (S.

Sjoberg).

D'autres personnalités paraissent plus charismatique, plus généreuses, plus accessiblesaffectivement.

Il y a aussi les salaires (dans les pays émergents, cette motivation est essentielle, le scientifiqueétant sous-payé), l'usage quotidien de technologies (comme l'i-pod) qui rend la science « terriblement abstraite ».En Inde, on essaie d'y remédier avec une exposition scientifique itinérante (un Train qui parcourt le pays) : il faut enAsie aussi réhabiliter les carrières scientifiques (Vigyan Prasar est l'organisateur du projet hindou).

Cet expédientludique (genre bibliobus) atteste que l'enseignement des sciences est perçu comme mécanique, rébarbatif.

Lesenquêtes démentent l'idée d'un partage Nord-Sud, ou encore le fait que les jeunes préfèreraient les choses« concrètes » aux abstractions (ils s'intéressent en fait à tous les sujets.).

En revanche, il faut favoriser la paritégarçon-fille.Les gouvernements sont aussi en cause, notamment dans les pays émergents dont les ministères de l'éducationmanquent d'informations sur les innovations dans le domaine de l'enseignement des sciences.

D'où des actions del'Unesco, depuis 2003, notamment au Cambodge, au Viêtnam, en Malaisie (la conférence pour l'Asie et le Pacifiques'est déroulée en Chine en décembre 2004), qui a abouti à des efforts de formation, intéressants mais loin ducompte.

L'Union Européenne veut porter, d'ici à 2010, les dépenses de Recherche et Développement à 3% du PIB(ce qui implique un recrutement de 700 000 chercheurs.

D'où viendront-ils ? D'où viendront-ELLES ? On voit l'enjeu,éthique mais aussi économique, du respect de la parité. ESSOR DU SAVOIR DANGEREUX Pour comprendre le mot célèbre de Robert Oppenheimer (« A Hiroshima la science a connu le péché »), il faut savoirce qui s'est passé à ce moment-là.

La guerre industrielle date de la guerre de sécession ; celle des armes chimiqueset des bombardements de loin, de la première guerre mondiale.

En 1945, quelque chose de nouveau a lieu, qui neconcerne plus seulement l'industrie et la technologie (les applications, les retombées et les dérives), et que Jean-Jacques Salomon a bien déterminé, dans son livre « Les scientifiques entre pouvoir et savoir » (Albin Michel, 2006,p.

231) : « Ce qui est vraiment nouveau avec Hiroshima, c'est que la recherche fondamentale – la science en tantque telle – est directement à la source de systèmes d'armes de destruction massive ».1 Alliance nouvelle entre lafolie des hommes, l'industrie et la science elle-même. Ni neutre, ni innocente, encore moins irresponsable.

Le temps était fini où le grand Louis Pasteur évoquait leslaboratoires comme « les temples de l'avenir, de la richesse et du bien-être » ; mais le chimiste qu'il était entendaitexpérimenter sur l'homme (à condition qu'on lui fournisse des condamnés à mort : « Si j'étais Roi ou Empereur oumême président de la République, écrit Pasteur, voici comment j'exercerais le droit de grâce sur les condamnés àmort.

J'offrirais à l'avocat du condamné, la veille de l'exécution de ce dernier, de choisir entre une mort imminente etune exécution qui consisterait dans des inoculations préventives de la rage pour amener la constitution du sujet àêtre réfractaire à la rage.

Moyennant ces épreuves, la vie du condamné serait sauve.

Au cas où elle le serait – etj'ai la conviction qu'elle le serait en effet – on soumettrait le condamné à une surveillance à vie.

» Le grand Pasteurjoue avec la vie de cobayes plutôt « involontaires », ici à propos de la rage, plus tard à propos du choléra.

C'est lanaissance de ce que Michel Foucault appellera le Biopouvoir, ou la biocratie, et dont l'eugénisme (américain d'abord)sera la forme la plus spectaculaire.Ce qui a manqué à Pasteur pour passer à l'acte (le pouvoir d'Etat), les physiciens du Projet Manhattan l'ont eu.

« Jesuis devenu la Mort, destructrice des Mondes »Cette parole hindoue, Robert Oppenheimer l'avait à l'esprit après avoir conduit avec succès le Projet Manhattan.« En novembre 1945, quittant la direction du programme, il s'adresse à toute son équipe de chercheurs pour leurdire comment il considère leur réalisation commune et ce qu'elle peut présager.

Il commence par évoquer sonignorance de ce qu'est la politique et par souligner que l'utilisation de la bombe n'est pas l'affaire des scientifiques :« IL NE FAUT PAS CONFONDRE L'ACTEUR AVEC L'INSTRUMENT, et si d'aventure l'instrument se prend pour l'acteur,c'est justifier l'intrusion la plus hasardeuse des scientifiques, la moins savante, la plus corrompue dans des domainesdont ils n'ont ni l'expérience ni le savoir ni la patience pour y accéder.

» Et il poursuit en notant que les scientifiquesqui ont travaillé à la bombe ont du mal à identifier leurs motivations : ils ont cherché à précéder les Allemands, àgagner guerre, à satisfaire leur propre curiosité, à donner libre cours à leur sens de l'aventure, à découvrir si unebombe atomique pouvait être construite et, si c'était possible, à en développer de si puissantes que tout guerreserait écartée des Nations-Unies : « Je pense que toutes ces choses que les gens ont colportées sont vraies, et jepense que je les ait dites moi-même à un moment ou à un autre.

Mais aucune de ces motivations n'estprofondément la bonne – la racine de toutes les autres.

Quand vous descendez droit au fond des choses, la raisonpour laquelle nous avons fait ce travail est que ce fut une NECESSITE ORGANIQUE.

Si vous êtes un scientifique,vous ne pouvez pas arrêter ce genre de choses.

Si vous êtes un scientifique vous croyez qu'il est bon de découvrircomment le monde fonctionne ; qu'il est bon de découvrir ce que sont les réalités ; qu'il est bon d'offrir à l'humanitétout entière le plus grand pouvoir possible de contrôler le monde.

»Répondre à la question comment, à la question pourquoi, et faire du savoir un pouvoir, de la théorie une maîtrise,voilà le destin du scientifique, son DHARMA, son devoir-destin au sens de la sagesse hindoue, dont Oppenheimerétait imprégnée.

» Que dit encore la religion des Védas ? « Si la lumière de mille soleils éclatait dans le ciel au mêmeinstant, ce serait comme cette glorieuse splendeur.

»Qui se souvient aujourd'hui qu'il y eut un procès Oppenheimer, comme il y eut un procès Galilée, toutes proportionsgardées ? Il subit une audition (il risquait la prison et en cas de trahison avérée la chaise électrique) : le procureurRoger Robb l'attaqua devant trois juges d'un Comité de défense nationale.

L'audition dura quatre semaines (avril-mai1954) et devait se dérouler à huis clos (comme pour Dreyfus).

Mais au bout de huit jours, la presse s'en mêla et lacontroverse s'amplifia, des documents « disparurent ».

On reprochait à Oppenheimer de n'avoir pas dénoncé un deses amis (qui avait des sympathies communistes), agent en relation avec un certain Dr Malraux (il s'agit d'André. »

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