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Peut-on discerner dans les changements du droit un progrès vers justice ?

Publié le 03/08/2005

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droit
Platon explique ainsi dans la République au livre IV (443c-e) que la justice est le lien qui permet d'unifier une multiplicité. b) Sans doute Platon serait-il horrifié de voir le monde tel qu'il est aujourd'hui. Le libéralisme politique autant qu'économique met en effet profondément en péril ce que Platon croyait être la justice. Force nous est de constater que le droit actuel impulsé par la dynamique capitaliste renforce l'individualisme et le retrait sur la sphère privée. Bien loin d'unifier la multiplicité, il favorise le particularisme. Cet état de fait est d'ailleurs soutenu et encouragé par le droit international qui favorise la liberté d'entreprise et la disparition des frontières de manière à inciter le commerce international. Il se manifeste dans des organisations telles que l'Organisation Mondiale du Commerce ou encore dans des constitutions, comme la constitution européenne. Enfin, il entraîne un délitement du tissu social par la baisse des taxes et donc l'incapacité à soutenir une politique sociale. Le sentiment d'appartenance à une communauté sociale s'étiole au profit des intérêts privés. c) Le philosophe grec serait également certainement fort inquiété par la montée en puissance des démocraties qui tendent à dominer le monde.

Analyse du sujet :

-          Le sujet pose tout d'abord problème car nous n'avons pas d'idée claire de ce qu'est la justice. Il est donc difficile de savoir si l'on s'en rapproche ou non, puisqu'on ne sait pas ce que c'est.

-          On peut interpréter la justice comme étant ce qu'incarne toujours le droit, et donc il n'y a pas de rupture entre droit et justice, ils sont toujours quasiment identiques.

-          Si tel est le cas, il y a autant de justices qu'il y a de législations, et le sujet ne pose pas vraiment problème.

-          On peut aussi considérer que la justice est une réalité qui existe de toute éternité, une sorte d'état des relations sociales qui ordonnerait les hommes à la perfection et contribuerait à leur bien.

-          Si tel est le cas, la justice constituerait un idéal que le droit essayerait d'atteindre.

-          Si l'on s'en tient à cette position, le droit devrait effectivement connaître un progrès vers la justice.

-          Mais peut-on dire que le progrès existe ?

-          Si oui, de quelle manière et dans quel rapport au droit ?

Problématisation :

Il peut apparaître évident que le droit change en faveur de la justice, puisque nous constatons par exemple que les hommes se rapprochent de plus en plus de l'égalité au niveau du droit. Mais nous pouvons nous demander aussi si c'est bien en cela que repose la justice : le droit ne s'est-il pas trompé de direction ? Avons-nous une idée assez distincte de la justice pour pouvoir affirmer que le droit progresse vers elle ?

 

droit

« considérerait-il la déclaration des droits de l'homme et du citoyen comme impropre à faire naître la justice, puisqu'il yest stipulé que tous les hommes sont égaux et qu'on n'y trouve donc pas un fonctionnement en castes (la cité n'estpas divisée en dirigeants, gardiens et producteurs). Transition : Le modèle platonicien de la justice se fondait sur le paradigme d'une cité autarcique n'ayantquasiment que la guerre comme mode de relation avec les autres cités.

Cette situation ne l'empêchait-elle pas d'avoir une vision claire de la justice ? 2.

A la conception platonicienne de la justice, nous pouvons substituer une conception kantienne de celle-ci qui avaliserait les changements du droit. a) En effet, la définition que Platon nous donne de la justice ne semble pas en adéquation avec celle qui estcommunément répandue dans les sociétés occidentales contemporaines.

Nous aurions plutôt tendance à définirmaintenant la justice selon les termes kantiens.

Kant écrit qu'est « juste toute action ou toute maxime qui permet à la libre volonté de chacun de coexister avec la liberté de tout autre suivant une loi universelle.

» ( Métaphysique des moeurs, doctrine du droit.) Cela signifie que la justice correspond d'une part au fait que la liberté de chacun soit maximisée et puisse subsister en accord avec celle des autres, et d'autre part au fait que cette limitation réciproquedes libertés se fasse sous une loi pratique rationnelle. b) Cette justice exige pour se mettre en acte à un niveau étatique le progrès de la culture, progrès qui correspondà celui des Lumières.

Pour se réaliser, ces Lumières doivent aider les hommes à se libérer du préjugé consistant àcroire que la nature n'est pas soumise aux règles de l'entendement.

L'homme doit sortir d'une minorité (au sensd'être mineur, c'est-à-dire irresponsable) dans laquelle il se complaît - par paresse et lâcheté - en se soumettant àdes tuteurs sécurisants.

La devise des Lumières est : « Aie le courage de te servir de ton entendement.

» (Kantl'écrit dans son ouvrage intitulé Qu'est-ce que les Lumières ? ) Cette conception de la justice est en opposition avec celle de Platon, car ici, c'est bien des démocraties libérales dont il fait l'apologie.

Platon n'avait pas perçu la notionde progrès, et il voyait dans la démocratie le pouvoir légué à des individus incompétents.

Kant conçoit le progrès etle fait que pour que les Lumières se répandent parmi les hommes, il faut leur en donner les moyens en leur conférantdes responsabilités.

Si les hommes ne naissent pas doués pour la démocratie, ils sont capables de l'apprendre.

Kantécrit dans Qu'est-ce que les Lumières ? : « Les hommes se mettent d'eux-mêmes en peine peu à peu de sortir de la grossièreté, si seulement on ne s'évertue pas à les y maintenir » c) Aussi, nous pouvons remarquer que d'un point de vue kantien, les changements dans les lois nous invitent àpenser qu'il y a bien un progrès vers la justice.

Considérer que tous les hommes sont des citoyens libres et égaux,c'est bien inscrire dans le droit l'idée selon laquelle ils s'acheminent vers les Lumières, et donc à plus ou moins longterme vers la justice.

Le droit de vote au suffrage universel pourrait ainsi être pris en exemple pour montrer que lepeuple a droit a plus de justice.

D'autre part, le libéralisme cherche à promouvoir la conception du juste donnée parKant plus haut, comme liberté maximale de tous les individus. Transition : Pour autant, nous ne pouvons conclure maintenant, car ce n'est pas résoudre un problème qued'affirmer que de l'opinion de l'un nous avons quelque chose, et que de l'opinion d'un autre nous avonsautre chose.

Qu'est-ce que ces disparités d'opinions sur la justice peuvent nous apprendre ? 3.

La notion de justice s'expose à des interprétations contradictoires parce qu'il lui faut prendre le tempsde devenir effective. a) Au regard des conceptions divergentes de la justice qu'on a pu explorer avec Kant et Platon, il semblerait quecette notion soit une notion vide de sens, qui puisse autant vouloir dire une chose que son inverse.

Noussuccomberions alors à la tentation du relativisme qui affirme qu'il n'y a pas de vérité, et nous pourrions alors direqu'il n'y a finalement pas de justice.

Si tel était le cas, le sujet n'aurait pas vraiment de sens et il faudrait yrépondre en affirmant que les changements du droit ne permettent pas de discerner un progrès vers la justicepuisqu'il n'y a pas de justice. b) Mais cette réponse facile ferait l'impasse sur la complexité du réel.

Si la justice selon Platon et la justice selonKant sont contradictoires, ce n'est peut-être pas parce qu'il n'y a pas de justice, mais plutôt parce que le conceptde justice met du temps à advenir au réel.

En suivant l'enseignement de Hegel, nous pouvons affirmer avec lui quela réalité est par elle-même contradictoire car elle est trop riche pour ne pas contenir une pluralité de sens.

Cela est dû au fait que leconcept est toujours en mouvement et qu'il advient justement au réel dans une dynamique par laquelle il secontredit lui-même pour finir par se déployer.

Le réel consiste en un processus de différenciation, et ces choses quel'on ressent comme différentes ne sont en réalité que les différents moments d'un mouvement.

La contradictionentre Platon et Kant se résout donc ainsi : tout deux exprimaient deux moments différents de l'histoire du conceptde justice.. »

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