Devoir de Philosophie

Quelle place occupe l'imitation dans l'art ?

Publié le 27/11/2009

Extrait du document

Le culte de l'ego a trouvé dans l'art contemporain une expression toute désignée, et l'idée même que l'art soit originalité absolue y trouve une satisfaction replète. On a beau jeu de se moquer de l'imitation de la Nature chez les artistes de l'antiquité. En matière d'originalité, ils n'arrivent pas à la cheville de nos artistes, qui rivalisent d'imagination pour nous surprendre, en cherchant dans la provocation l'audace de l'inédit, contre la bienséance et les bonnes moeurs. C'est vrai, dans notre avant-garde artistique, l'art ne ressemble plus à rien ! il faut le dire avec ironie ! Cependant, il faudrait pouvoir mettre entre parenthèses les préjugés de notre époque, le conditionnement médiatique, l'émulation commerciale et la surenchère tapageuse. L'art antique n'est pas si « imitatif « que l'on voudrait bien nous le faire croire. Sous des dehors officiels, il cache souvent une aspiration idéale qui n'a pas de compte à rendre à la stricte imitation. On a beau dire, tout de même, le sourire indéfinissable de Mona Lisa de La Joconde, c'est un vrai prodige. Malgré les tonnes de commentaires déversés à son sujet, la fascination reste. C'est justement pourquoi, en désespoir de cause, on n'en finit pas de la caricaturer… ce qui est un hommage au génie de Léonard de Vinci.  

Nous n'avons pas à faire un procès d'intention à l'art d'imitation, quand il s'agit d'influence. On ne maîtrise les règles de l'art que lorsque l'on parvient avec une habileté sans égale à imiter les anciens. Si Picasso a parfois rejoint un style qui ressemblerait presque à la manière malhabile des enfants, il savait parfaitement dessiner comme les anciens. Au fond, ce qui importe vraiment, ce n'est pas l'imitation en tant que telle, mais la création et la flamme qui l'inspire, le surcroît d'âme qui la porte.

« b) Ou bien l'imitation possède un tout autre sens.

Elle est imitation des modèles idéaux que l'on rencontre dans laNature ; de ce qui est parfait au sens grec du mot perfection.

L'homme parfaitement proportionné, l'enfant bienproportionné, le tournesol et la rose sans défaut.

C'est à ce sens traditionnel de l'imitation de la Nature, cherchant àreproduire et égaler ses modèles, que pensaient les anciens, et pas du tout au réalisme ordinaire.

Telle est ladoctrine d'Aristote souvent mal comprise de l'art comme imitation de la Nature.Léonard de Vinci prend une position très nette dans ce sens, expliquant que c'est la Nature qui donne à l'art sesmodèles ; le véritable artiste ayant cette aptitude à voir la perfection de la forme dans la Nature pour être capablede les imiter, au lieu d'aller imiter un autre artiste.

Soyons très attentif au sens du mot « ressemblance » dans letexte suivant : « La peinture la plus digne d'éloge est celle qui a le plus de ressemblance avec ce qu'elle imite.

Je discela contre les peintres qui prétendent corriger les oeuvres de la nature, ceux par exemple, qui représentent unenfant d'un an, dont la tête devrait entrer cinq fois dans sa hauteur, et qui la font entrer huit fois ; et alors que lalargeur de ses épaules est égale à celle de sa tête, ils font sa tête moitié moins large que les épaules ; et de lasorte ils donnent à un petit enfant d'un an les proportions d'un homme de trente ».

Il y a donc pour Léonard de Vinciune vision du peintre, capable de discerner les formes présentes dans la Nature (texte) et c'est cette visiontransfigurée qui viendra façonner son style et exprimer son génie.

Ce serait lui faire injure que de prendre le mot «imitation » dans un pareil contexte, de façon littérale, au sens du réalisme, car il renvoie non pas à un simple fait,mais à une idéalité.

Au fond, il faudrait voir les Formes dans la Nature, l'Homme, la Biche, l'Enfant, comme matricesidéales dans la pensée de Dieu.

Cela explique le dédain marqué par Léonard de Vinci à l'égard du petit imitateur quise contente de copier un autre peintre.D'où le passage suivant :« Le peintre fera oeuvre de peu de valeur s'il prend pour guide les oeuvres d'autrui, mais s'il étudie d'après lescréations de la nature, il aura de bons résultats.

Nous voyons cela chez les peintres qui suivirent les Romains, et quis'imitaient toujours l'un l'autre, et l'art déclinait toujours d'âge en âge.

Après eux vint Giotto de Florence, qui ne secontentait pas d'imiter les ouvrages de son maître Cimabue, étant né dans la solitude des montagnes habitéesseulement par des chèvres et d'autres bêtes ; ce Giotto, donc, étant porté à cet art par sa nature, commença àdessiner sur les pierres les attitudes des chèvres qu'il gardait ; … si bien qu'après beaucoup d'études ildépassa non seulement tout les maîtres de son époques, mais aussi tous ceux de plusieurs siècles antérieurs ».

Cequi fait de Giotto un grand peintre, ce n'est pas la « ressemblance » de sa peinture avec tel objet naturel, ni sonaptitude à peindre comme son maître, mais une vision tout à fait originale.Il est donc important de prendre garde à la confusion entre l'imitation de la réalité, et imitation de la Nature, fautede quoi, on risquerait de faire à l'art un faux procès et le plus souvent d'enfoncer des portes ouvertes.

Il faut êtretrès conscient du sens que l'on donne au mot « réalité » (de quelle réalité parle-t-on ?) et au mot nature (mais dequelle Nature est-il donc question ?). 2) A première vue, il est exact que beaucoup d'oeuvres de l'histoire de l'art témoignent d'une volonté dereproduction des objets réels.

(texte) Platon s'étonne des prodiges de Zeuxis qui avait réussi à peindre si bien desgrappes de raisin que les oiseaux venaient les picorer.

La tradition du portrait a imposé à l'artiste une exigence deressemblance.

La peinture de manière générale a été, et demeure un art figuratif, qui représente donc des objetsréels que l'on peut reconnaître.

En musique bien des chefs-d'oeuvre sont des figurations.

Dans la V-ème Symphoniede Beethoven, on entend tonner l'orage, il y a une musique pour le retour du soleil, le calme la nature.

Dans leclavecin de Rameau, il y a de très jolies pièces figuratives : Les oiseaux, La poule.

En guitare classique, chezAgustin Barrios Mongore, La Cathédrale, figure musicalement, dans la première partie, l'entrée d'un visiteur dansl'atmosphère recueillie et sacrée d'une église; puis, dans le seconde partie, Barrios marque un extraordinairecontraste, en rendant le climat chaud, joyeux, les cris du parvis avec son marché, tandis que résonnent en arrière-fond les cloches de la cathédrale.

Dans Les Abeilles Barrios imite le passage d'un bourdon, puis, la ronde enfiévrée,virtuose de la danse de l'abeille.

Chez un musicien cubain contemporain, Leo Brower, on trouve une étonnante piècepour ensemble de guitares intitulée En attendant la pluie.

L'effet figuratif est saisissant.

On a droit à l'atmosphèrelourde de la chaleur, aux première gouttes d'eau, puis à une orage violent qui dégénère en grêle (effets depercussion sur la guitare) imitant la chute des grêlons sur les tôles des toits, puis enfin, aux dernières gouttesd'eau.Qu'il y ait imitation ne signifie pas pour autant que la vocation de l'art se réduise à la seule volonté d'imitation.

Cen'est pas parce que je reconnais la cathédrale sur le tableau que le but du peintre était d'imiter l'objet réel appelécathédrale.

A-t-on jamais vu un artiste revendiquer pareille idée ? Quel artiste pourrait avouer que son but est defaire le plus « ressemblant » possible ? Cela se concevrait à la rigueur chez un technicien dont le travail consiste àvendre du portrait sur commande.

C'est effectivement un problème qui s'est posé avec l'invention de laphotographie.

Si l'imitation était réellement l'essence de la peinture, alors la peinture aurait été balayée parl'apparition de la photographie.

En effet, quoi de plus « ressemblant », de plus « réaliste » qu'une photo ? Il estexact historiquement que le problème s'est posé.

Au début, les peintres de portrait se sont sentis menacés, il y amême eu des procès.

Au fond, c'était un défi qui mettait en demeure les peintres de devoir faire autre chose que desimplement imiter, c'est-à-dire de revenir à l'essence même de la peinture, dans sa dimension de véritable créationesthétique.

Et encore, l'argument ne vaut qu'à moitié.

Il présuppose que la photographie n'est pas un art, ce qui estaussi douteux.

La photographie n'est pas nécessairement une simple imitation stricte et sans âme.

Elle est tout demême portée par une intention qui est celle du photographe et en ce sens, la photographie est l'expression duphotographe et pas seulement une copie.

Il est tout à fait possible que le photographe construise un projetesthétique précis.

Le regard tout fait original du photographe commande une composition, des sujets, une manièrede jouer avec la lumière, le cadrage, le flou, la profondeur de champ, qui finit par façonner un style tout à fait. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles