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Maurice Merleau-Ponty par Stéphanie Dupouy La philosophie de Merleau-Ponty est un effort pour penser l'unité profonde de la conscience et du corps, de l'esprit et de la matière, du sens et du monde.

Publié le 05/04/2015

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Maurice Merleau-Ponty par Stéphanie Dupouy La philosophie de Merleau-Ponty est un effort pour penser l'unité profonde de la conscience et du corps, de l'esprit et de la matière, du sens et du monde. Elle exprime une perspective phénoménologique originale rejetant toute forme d'intellectualisme : s'il n'y a d'être que pour une conscience, il ne s'ensuit pas que le monde soit une simple idée. L'expérience humaine n'est pas celle d'une pure conscience déployant sans résistance le monde et son corps sous son regard : " le monde est tout au-dedans et je suis tout hors de moi ". D'où l'intérêt de Merleau-Ponty pour toutes les dimensions de la vie humaine qui manifestent l'inhérence de la conscience à une matière qu'elle ne domine pas et qui la constitue pourtant essentiellement : la vie anonyme du corps, la perception, l'horizon d'autrui, le langage, l'épaisseur historique et l'art. Dans tous ces domaines, Merleau-Ponty tente de proposer une interprétation de l'être qui dépasse l'alternative de l'en-soi et du pour-soi, de la chose réelle et de la conscience transparente à elle-même : le corps est déjà spirituel, et réciproquement la conscience ne s'affranchit jamais complètement de la facticité qui la fonde. Par ailleurs, cette pensée est toujours solidaire d'une méthode descriptive et d'un style très concrets qui participent déjà du rejet de l'intellectualisme : Merleau-Ponty nourrit sa réflexion de connaissances très précises empruntées aux sciences biologiques et humaines (psychologie, psychopathologie, linguistique) et l'exprime en une langue riche en métaphores, chargée de restituer l'expérience de la manière la plus fidèle possible. Son itinéraire philosophique le conduit d'abord, dans La structure du comportement, à rejeter le matérialisme des sciences biologiques pour élaborer une réflexion sur le vivant s'articulant autour de la notion de structure ; ce point de départ l'amène ensuite à dépasser le dualisme traditionnel de l'âme et du corps pour proposer, dans La phénoménologie de la perception, une vaste méditation sur l'incarnation qui se poursuivra dans toute son oeuvre. La critique de l'associationnisme et la notion de forme. La Structure du comportement a pour ambition de " comprendre les rapports de la conscience et de la nature " ; la thèse majeure de cet ouvrage est qu'il y a entre la chose, l'animal et l'homme une différence d'ordre, et qu'aucun de ces modes d'être ne peut se déduire des autres : la vie est absolument originale par rapport à la matière, et l'ordre humain est lui-même irréductible à l'ordre vital. Cette thèse est introduite à partir d'une réflexion critique sur les sciences biologiques et psychologiques. En ce sens, La structure du comportement correspond chez Merleau-Ponty à ce qui chez Husserl s'appelle la " réduction phénoménologique " : l'enjeu du texte est en effet de passer d'une conception naïve du monde comme nature, acceptant les présupposés réalistes de la science comme des évidences et incluant l'homme parmi les objets naturels, à un point de vue phénoménologique qui envisage toute réalité comme inséparable de la conscience et admet des formes d'être (le vivant et l'homme) irréductibles au statut de chose matérielle (dont les parties sont caractérisées par l'extériorité mutuelle dans l'espace objectif, et qui est régie par des relations de causalité). Mais surtout, c'est la démarche de cette réduction qui est intéressante et originale : au lieu de commencer par une mise entre parenthèses abstraite du monde naturel, Merleau-Ponty engage un débat minutieux et informé avec la science de son temps : la psychologie et la physiologie mettent elles-mêmes en évidence des faits qui, pour être correctement interprétés, réclament l'adoption d'un point de vue phénoménologique. Quatre théories vont donc être à ce titre discutées : la théorie classique du réflexe, la théorie pavlovienne du réflexe conditionné, la théorie des localisations cérébrales et la théorie béhavioriste de l'apprentissage. Ces quatre théories ont en commun un préjugé associationniste, selon lequel la totalité du comportement est construite par l'association de réactions ou de contenus psychiques élémentaires, atomistes. Merleau-Ponty entreprend tout d'abord une critique de la notion classique de réflexe en se fondant sur les acquis récents de la Psychologie de la Forme. La théorie du réflexe décompose le comportement " en une multitude de processus partiels, extérieurs les uns aux autres dans le temps comme dans l'espace " : un stimulus objectif, agissant par ses propriétés élémentaires et capté par un récepteur anatomique lui-même localement circonscrit, déclenche causalement dans l'organisme une réaction motrice isolée ; la réponse est associée à l'excitation en vertu d'un dispositif préétabli qui est par conséquent aveugle à la signification intrinsèque de la situation vécue par l'organisme et indépendante de l'état global de ce dernier. Or, les travaux de la Gestalt récusent cette conception atomiste et causale du comportement : l'efficacité d'un stimulus n'est pas liée à sa seule présence objective comme partie réelle d'une situation, c'est comme structure qu'il peut devenir réflexogène ; par exemple, la perception d'une couleur ou d'une figure est perception de l'ensemble constitué par la structure différentielle figure-fond ou couleur-fond coloré. En temps normal, l'organisme ne réagit qu'aux propriétés de forme des situations. En outre, le réflexe n'est qu'en apparence la réitération d'une même réaction : en réalité le trajet moteur accompli est à chaque fois différent compte tenu de la diversité des positions initiales ; le réflexe est donc bien plus qu'un montage préexistant, une réaction automatique, il manifeste une adaptation réelle à la situation. Cela implique que la réception des stimuli, loin d'être pour l'organisme un phénomène purement passif, constitue déjà une activité motrice, une " manière propre de s'offrir aux actions du dehors " : " entre l'organisme et son milieu les rapports ne sont pas de causalité linéaire mais circulaire ". L'étude des vivants doit donc désormais se fonder sur la notion de forme : l'organisme est une forme, c'est-à-dire un système où le tout est davantage que la somme de ses parties, dont " les propriétés se modifient pour tout changement apporté à une seule de ses parties et se conservent au contraire lorsqu'elles changent toutes en conservant entre elles le même rapport " - phénomène comparable par exemple à une mélodie (musicale) perçue, altérée qualitativement par tout changement de note mais restant la même transposée dans une autre tonalité. Ce concept n'abrite pas une tentative pour ressusciter les catégories traditionnelles du vitalisme : la forme est une structure indécomposable du comportement et non une âme ; mais contrairement à ce que voient en elle certains théoriciens de la Gestaltpsychologie (Psychologie de la Forme), elle ne désigne pas non plus une réalité objective appartenant à la nature, puisqu'elle est indissociable d'un sens perçu et vécu. Le comportement est forme, c'est-à-dire ni idée, ni chose. La théorie des localisations cérébrales, qui affirme une correspondance terme à terme et causale entre les différentes zones du cerveau et les différentes aptitudes du sujet (motricité, perception, langage), fait l'objet d'une critique similaire. Cette théorie s'appuie sur le fait que des lésions cérébrales déterminées entraînent des troubles caractérisés du comportement. Mais si certains niveaux de comportements dépendent de toute évidence de l'intégrité de certaines parties du cerveau, il ne s'ensuit pas néanmoins que la localisation désigne une relation de causalité. Il est contradictoire de prétendre localiser une structure, d'en faire la résultante ou l'expression d'un dispositif matériel, si elle rend possible une variété indéfinie dans les réponses motrices : par exemple, on ne peut localiser matériellement l'aptitude au langage dans la mesure où chaque phrase exprime un sens nouveau qui n'est pas contenu dans les mots qu'elle emploie (ni dans leur simple addition puisqu'elle contribue au contraire à en fixer le sens). La notion de forme nous conduit donc au-delà de la physiologie et de l'explication causale : si, comme le montre la Gestalt, le comportement, comme structuration du monde perçu, est irréductible à une somme de parties, alors il ne peut s'expliquer par l'organisation anatomique ni par une quelconque cause matérielle, et on ne pourra rendre compte du perçu que par le perçu. Les faits que la Gestalt a mis en lumière ne sont donc plus intelligibles dans le cadre ontologique adopté spontanément par la science et se retournent contre elle, puisque les formes ne sont pas des objet...
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