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L'expérience de la beauté passe-t-elle nécessairement par l'oeuvre d'art ?

Publié le 06/01/2005

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Dès lors, la beauté des fleurs sauvages ou celle des cimes montagneuses ne sauraient réellement être prises en compte. L'oeuvre d'art, le tableau, la symphonie, etc., sont les véhicules nécessaires et suffisants de la beauté. La beauté artistique, beauté spirituelle, est l'authentique saisie, par opposition aux beautés naturelles. N'est-ce pas, au fond, ce que sous une autre forme, disait Hegel, pour qui le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature ? Si la beauté artistique est infiniment élevée, alors c'est par l'oeuvre d'art qu'il faut nécessairement passer pour faire l'expérience du beau : elle forme le moyen terme nécessaire pour accéder à ce type privilégié d'expérience. Certes, il y a une beauté de la vie et de la nature, mais elle est d'une qualité très inférieure. La splendeur réelle de la beauté exige la rencontre du tableau ou de la mélodie,-de la sculpture ou de la poésie. Il faut accéder à l'oeuvre d'art pour concevoir une perfection esthétique, pour rencontrer le principe d'une authentique satisfaction. « Autant l'esprit et ses créations sont plus élevés que la nature et ses manifestations, autant le beau artistique est lui aussi plus élevé que la beauté de la nature.

« concept, peut être dit beau.

De plus, un bel objet est vrai, puisqu'il est conforme à son être.

Cela implique qu'aucunorganisme vivant ne pourra être beau, parce que soumis au besoin, il n'a pas de véritable liberté.

Seule la beautéartistique peut être accomplie : elle représente l'idéal.

L'idéal est soustrait de la vie quotidienne imparfaite etinauthentique.

Il incarne l'universel dans l'individualité absolument libre et sereine : le symbole en est l'individualitéapollinienne, perfection d'harmonie et de forme, sérénité conquise sur la douleur.

En un sens, cette beauté idéaleest hors du temps et de l'histoire, symbole de l'éternité.

Si cet idéal de beauté est désormais révolu, alors qu'ilculminait dans l'art grec, c'est que l'organisation sociale et la production économique sont devenues prévalentes,soudant les individus dans des rapports de besoin, d'échange et de travail complexes et étroits.

L'Idéal ne peut pluss'incarner dans l'art, il s'est incarné dans l'État et la politique à la fin du xixe siècle et au cours du xxe siècle.

Onpeut toutefois remarquer qu'à notre époque présente, ces deux formations ne semblent plus animées par lesaspirations spirituelles les plus hautes des individus et de la collectivité.

Nous vivons dans l'ère du nihilisme queNietzsche avait diagnostiquée à la fin du xixe siècle. Tout n'est pas faux en cette thèse.

L'expérience de la beauté semble bel et bien nous conduire à privilégier l'oeuvred'art.

La lecture d'un poème de Rimbaud, la contemplation d'un tableau de Léonard de Vinci, l'écoute d'unesymphonie de Beethoven procurent le sentiment de l'unicité et de l'irréductibilité : une splendeur spécifique, un éclatlié à l'esprit, qui ne se manifeste que dans l'oeuvre d'art.

De même, dans la peinture baroque, dans la cathédralegothique et dans tant d'autres oeuvres d'art, un privilège paraît se manifester : l'esprit se déploie dans sa grandeur,infiniment supérieur, semble-t-il, à la beauté de la nature.Toutefois, cette perspective, pour intéressante qu'elle soit, n'en apparaît pas moins restrictive et partielle.L'expérience de la beauté ne passe-t-elle pas aussi par la contemplation de la nature ? Ne nous faut-il pas élargir lasaisie de la splendeur et de la juste proportion ? Certes l'art semble triompher par rapport au côté caduc etpérissable de la vie et de la nature ; mais ces dernières peuvent-elles bien être écartées ? • L'expérience de la beauté libre passe aussi par la nature : Comment l'expérience de la beauté ne prendrait-elle pasaussi comme moyen terme et comme intermédiaire pour se réaliser la nature ?Cette dernière ne saurait se situer en dehors du domaine de l'esthétique.

La beauté des fleurs, la luxuriance de lavégétation méditerranéenne, la grandeur imposante du Grand Canyon, l'éclat de la mer et du soleil ne peuvent-ilsdonner à l'esprit une occasion d'éprouver l'accord de l'imagination et de l'entendement ? Le sentiment esthétiqueréalise une harmonie imprévue entre les concepts et les images, l'intelligible et le sensible.Qu'est-ce exactement que l'expérience de la beauté.

On peut concevoir la beauté comme une perfection esthétiquerenfermant le principe d'une satisfaction subjectivement universelle.

La beauté, comme nous le dit Kant, c'est ce quiplaît aux sens dans l'intuition et précisément pour cette raison peut être l'objet d'une satisfaction universelle.L'expérience de la beauté ne correspond-elle pas à une satisfaction universelle et désintéressée ? Ce qui signifie queles beaux-arts, les oeuvres d'art, tout comme la nature sont à même de nous révéler la beauté, qu'il n'y a pas deraison de les exclure de l'analyse.Ceci est particulièrement net à propos de ce que Kant appelle beauté libre, c'est-à-dire qui n'est astreinte à aucunefonction extérieure au beau lui-même.

Cette beauté libre est pure ; elle n'est pas liée à l'utile.

Il n'y a en elle aucunaspect fonctionnel.

Or ce type de beauté fondamental et pur se révèle à travers la nature et ne passe passeulement par l'oeuvre d'art. « II y a deux espèces de beauté : la beauté libre [...] ou la beauté qui n'estqu'adhérente.

La première ne présuppose aucun concept de ce que doit êtrel'objet [...] Les fleurs sont de libres beautés de la nature.

Quelle chose unefleur doit être, il n'y a guère que le botaniste qui le sache, et même lui, qui yreconnaît les organes de fécondation de la plante, il ne tient pas compte decette fin de la nature quand il en juge selon son goût.

» (Kant, Critique de lafaculté déjuger, Folio-Essais Gallimard, p.

162).

De même, note Kant, denombreux oiseaux, le colibri ou l'oiseau de paradis, mais aussi une multitudede coquillages marins sont des beautés en soi, libres, non liées à l'utile, dessortes de beautés pures, ne servant à rien, en quelque sorte : elles plaisentlibrement et pour elles-mêmes.Ainsi, nous pouvons faire l'expérience de la beauté pure, libre, inutile parl'entremise de la nature, qui donne ici à voir un jugement de goût pur.

Lesfleurs sont des beautés libres de la nature par l'harmonie de leurs parties,sans que s'y glisse l'idée de l'utilité.Toutefois, n'est-il pas maintenant nécessaire de généralisera la morale etmême à toute l'existence l'expérience de la beauté, que l'on ne sauraitrestreindre à la seule sphère de l'art.

Dès lors, ne peut-on, avec Nietzsche,poser la question suivante : contrairement au préjugé habituel qui en faitl'essentiel de l'art, l'oeuvre d'art proprement dite n'est-elle pas secondaire ?Ne faut-il pas prendre en compte la beauté de toute la vie ? • L'expérience de la beauté passe par la mise en forme de toute la vie : il ne faut pas nécessairement identifier artet beaux-arts et identifier l'expérience de la beauté avec celle de l'oeuvre d'art.

Ce qui importe, n'est-ce pasl'esthétisation de toute l'existence, la réalisation d'une certaine forme d'ordre et d'unité, qui transcende la sphèreétroite de l'oeuvre d'art ? L'expérience de la beauté passe par la vie.

De quoi, en effet, s'agit-il ? De créer, dans. »

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