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à_chacun_sa_vérité_cours

Publié le 03/12/2014

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aux propositions évaluatives (aux jugements de valeur) dans un autre cours. Nous nous demanderons si la conception de la vérité présupposée par cette thèse est tenable, notamment si l'on peut accoler un possessif au terme « vérité ». Cours n°2 A CHACUN SA VERITE ? Contre le relativisme naïf §1 QU'EST-CE QUE LE RELATIVISME ? Ce cours et le suivant ont deux fonctions. Voir ce que peut être une argumentation philosophique (ici quelque peu abstraite) et déraciner un relativisme naïf généralement bien ancré qui constitue un obstacle à la pratique de la philosophie et de la dissertation, car, si tout se vaut, à quoi bon argumenter. Si l'on soutient la thèse exposée dans l'introduction, on est relativiste. Être relativiste, comme le nom l'indique, consiste à penser que les vérités sont relatives et non pas absolues ou universelles. § 0 INTRODUCTION : DES VERITES RELATIVES ? relativisme : thèse selon laquelle les vérités sont relatives à des individus ou à des groupes sociaux. La vérité est attribuée à (1) des propositions ou à des croyances1, (2) parfois à des choses (un vrai Van Gogh, un vrai con, une vraie femme, un fait vrai). Dans le cas (1) ce qui est en question c'est un rapport ou une relation entre les propositions et la réalité. Dans le cas (2), « vrai » est synonyme d'« authentique » : l'authenticité suppose l'existence d'une chaîne causale entre le créateur et l'objet (un vrai Van Gogh a été peint par Van Gogh), une ressemblance à un paradigme (une vraie femme, un vrai con) : une vraie femme possède tous les attributs qui font d'un être humain une femme, ou encore l'existence tout court (un fait vrai). Les vérités sont relatives, soit à des sujets, soit à des groupes sociaux ou culturels. Une vérité relative serait donc une vérité que l'on ne pourrait accepter que d'un certain point de vue, une vérité absolue étant une vérité acceptable universellement. Nous verrons plus loin ce qu'est une vérité acceptable universellement. §1.2 Vérité relative et justification relative Pour un relativiste, dire qu'une proposition est vraie équivaut à dire qu'elle est justifiée : ce qui est vrai est ce qui est justifié. Ainsi, sa définition de la vérité est la suivante : Nous allons nous intéresser ici à la vérité attribuée aux propositions et aux pensées, lorsqu'on dit, parce exemple, qu'une croyance est vraie ou qu'une proposition est vraie. On appelle les propositions des porteurs de vérité, au sens où ce sont elles que l'on qualifie de vraies ou de fausses. vérité relative : p est vraie si et seulement si p est justifiée pour X (X désigne un individu ou, plus vraisemblablement, un groupe social) ; et il définit la justification ainsi : L'expression « à chacun sa vérité » est parfois utilisée de façon pragmatique pour mettre fin à une discussion qui tourne mal en laissant entendre aux interlocuteurs que leurs opinions, bien que différentes, sont de même valeur. justification : p est justifiée pour X si et seulement si p est acceptée par X suite à une procédure acceptée par X. Une conséquence de ces définitions est que si deux groupes sociaux n'ont pas les mêmes critères de vérité, alors ce qui sera vrai pour l'un ne sera pas vrai pour l'autre. On dira qu'ils ont des rationalités différentes, à savoir des façons différentes de justifier leurs propos et leurs actes, de formuler des raisons : ils ne suivent pas les mêmes procédures et les mêmes règles pour établir la vérité. On prétend parfois, à titre théorique cette fois, que chacun a sa vérité. L'expression se transforme alors en une thèse selon laquelle chacun posséderait sa vérité. Par exemple, relativement aux deux opinions suivantes, beaucoup soutiendront que chacun a sa vérité : (1) Dieu existe (2) Dieu n'existe pas Le relativiste admet qu'il existe plusieurs rationalités différentes (à des époques ou en des lieux différents) dont on ne peut dire que l'une soit supérieure à une autre. Il admet donc l'existence possible de plusieurs vérités sur un même objet. Certains diront que (1) et (2) sont équivalentes parce qu'elles ne sont pas prouvées, au sens où les raisons de ceux qui croient, comme les raisons des athées ne sont manifestement pas suffisantes pour obtenir un consensus sur cette question. Mais le fait qu'elles ne soient pas prouvées implique-t-il qu'elles aient une valeur de vérité équivalente ? Faut-il dire que, du point de vue de la vérité, les deux opinions sont équivalentes ? S'il existe beaucoup d'opinions et de croyances, faut-il considérer qu'elles sont toutes effectivement équivalentes ? Est-il illégitime de penser que les unes sont supérieures aux autres ? Prenons, par exemple, deux méthodes de justification différentes : Nous nous intéresserons ici avant tout aux propositions factuelles (qui décrivent des faits). Nous nous intéresserons En fait elle est attribuée seulement à des propositions : on peut considérer une croyance comme une attitude d'assentiment ou de dissentiment à l'égard d'une proposition. 1 1 Compris de façon sophistiquée, le relativisme est souvent une critique de la notion de vérité elle-même : relativisme sophistiqué : il n'y a pas de croyances vraies ; il y a des croyances utiles, pratiques, correctes, etc. Nous n'avons pas accès à la réalité, seulement à la façon dont nous interprétons la réalité ; le monde dans lequel nous croyons n'est pas indépendant de nous, mais est, en quelque sorte, construit2. Le relativisme est une forme de scepticisme radical (= est sceptique celui qui nie la possibilité d'une connaissance, le sceptique radical niant la possibilité de la connaissance), qui soutient que la connaissance, telle que nous l'avons définie dans le premier cours (comme croyance vraie justifiée), est impossible3, puisqu'il n'y a pas de vérité. On voit bien ici qu'admettre des rationalités différentes conduit à des thèses différentes. La vérité est relative, puisqu'elle dépend des rationalités : elle est relative à un groupe au sens où elle est relative aux normes rationnelles acceptées par ce groupe. Ce qui est justifié pour un groupe ne l'est pas pour l'autre. Il existe diverses formes de relativismes sophistiqués. L'irréalisme de Nelson Goodman (voir. Manières de faire des mondes, Paris, Gallimard,) maintient l'existence de critères de correction et donc de procédures de justification maîtrisables par les communautés de chercheurs et leurs membres. § 1.2. Relativisme naïf et sophistiqué* Il existe au moins deux versions de relativisme. La première est naïve, la seconde sophistiquée. La première est la plus répandue et c'est celle que j'aimerais extirper de votre esprit. Je ne crois pas que la seconde version soit plus correcte, mais elle est plus difficile à abattre. Mais certaines formes de relativisme, notamment, en sociologie des sciences, considèrent que les choix théoriques relèvent très souvent de causes qui n'ont rien à voir avec une quelconque procédure de justification, si bien que la plupart des croyances sont irrationnelles. Le relativisme sophistiqué est donc parfois rationaliste (version de Goodman), parfois irrationaliste (version de la sociologie des sciences). Le relativisme naïf Compris de façon naïve, le relativisme signifie littéralement que tout le monde détient la vérité, qu'il n'y a pas de croyances supérieures à d'autres : Il existe diverses raisons d'adopter une forme de relativisme sophistiqué, plus ou moins techniques. Je présente ici un argument en faveur de la version liée à la sociologie des sciences. relativisme naïf : toutes les croyances justifiées d'un certain point de vue sont équivalentes. Elles sont équivalentes parce qu'elles sont toutes vraies, même si elles le sont en des sens différents, le mot « vrai » ayant une signification différente en fonction des procédures de justification adoptée par le groupe. Par exemple, le mot « vrai » signifie « conforme à la Bible lue littéralement pour un créationniste », tandis qu'il signifie « conforme aux meilleures procédures scientifiques » pour un tenant de la science. Un argument Croire en l'existence d'une vérité universelle ou absolue trahit en fait une volonté de pouvoir et de domination (qu'il s'agisse du pouvoir de l'expert, de l'impérialisme occidental ou phallocratique, etc.). Les valeurs de vérité et de rationalité serviraient de masques à certains intérêts. La volonté de savoir masquerait une volonté de pouvoir. L'argument relève de la sociologie et de la psychologie. Il faut montrer que les croyances sont causées, pas justifiées. Un argument Généralement le relativisme part d'une intention louable : développer une forme de tolérance sans faire appel à des normes universelles. Le relativisme naïf essaie d'obtenir cela en affirmant l'équivalence des thèses. Les thèses étant toutes justifiées, aucune ne peut être dite supérieure à une autre. Affirmer la supériorité d'une thèse, ce serait faire preuve d'intolérance. L'argument fait appel à une valeur, la tolérance, et est donc un argument moral. C'est à peu près celui-ci : Le relativisme est alors une forme de scepticisme radical, au moins quant à la connaissance définie classiquement comme croyance vraie justifiée. Que le monde soit construit ne veut pas dire qu'il n'existe pas de réalité indépendante, mais qu'elle est inconnaissable...

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